Quand les animaux nous aident à communiquer

Quand les animaux nous aident à communiquer

Le Figaro – 08/01/2016

Chiens en maison de retraite, chevaux au pied de l’immeuble, bars  à chats pour urbains stressés… La médiation animale a le vent en poupe.INTERVIEW- Philippe Hofman, psychologue clinicien, vient de publier «Le chien est une personne». Psychologie des relations entre l’humain et son chien (Éditions Albin Michel).

Sa photo-portrait a envahi la Toile en quelques heures: Diesel, chienne malinoise du Raid ayant perdu la vie dans l’assaut de Saint-Denis le 18 novembre dernier, est devenue pour beaucoup une héroïne. Bien sûr, quand de nombreux internautes ont osé poster #jesuischien, quelques voix offusquées se sont élevées: «Comment se rapetisser à ce point-là?» «S’identifier à un chien, quelle horreur!» Mais dans sa grande majorité, le public a entériné l’hommage fait à Diesel: à son propos, on a parlé «dévouement», «obéissance» et «courage». Comme le disait Pierre Desproges: «Plus je connais les hommes, plus j’aime mon chien.»

Cette place donnée à un «simple mammifère» n’étonne en rien Boris Albrecht, directeur de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer. Au centre de cette œuvre, le soutien à la médiation animale, quels qu’en soient les domaines (sociaux, éducatifs ou thérapeutiques), qui donnera lieu à un grand colloque international l’été prochain. «Depuis 2003, plus de 500 projets dans lesquels l’animal améliore les conditions de vie des humains sont devenus réalité grâce à notre action », se félicite son directeur.

Faciliter les relations

Il y a dix ans, on discutait à peine des apports des chiens et chats dans les maisons de retraite ; aujourd’hui, c’est un fait établi pour tous: les quadrupèdes apprivoisés incitent les résidents âgés à se lever, marcher, être actifs. Mais des bienfaits inattendus ont aussi été observés. «On a découvert notamment que les chiens facilitent aussi les relations entre soignants », explique Boris Albrecht.

Marine Grandgeorge, docteur en psychologie, qui mène des recherches au laboratoire d’éthologie animale et humaine de Rennes, confirme, et s’en étonne encore: «L’animal est vraiment un “tiers régulateur”, c’est pour ça qu’il est tellement bienvenu en médiation. Sa présence influence les comportements des humains entre eux. Des études montrent même que, s’il est là, les gens se regardent, se parlent plus… Et les handicapés, s’ils sont accompagnés d’un animal, triplent le nombre de regards posés sur eux.» Aucun doute, l’animal a, selon les chercheurs, un rôle de «lubrifiant social», d’autant plus évident quand les liens entre hommes s’appauvrissent. Pourquoi un tel succès?: «L’animal est non jugeant, précise Marine Grandgeorge. On peut donc passer par lui pour casser les barrières.»

Des chevaux en bas de l’immeuble

Désormais, le recours à la médiation animale est en pleine expansion dans de nombreux domaines: justice (pour la vie en milieu carcéral), monde du handicap (qu’il s’agisse de problèmes physiques ou psychomoteurs), soins palliatifs… Et cette alliance prend des formes renouvelées. À Dole, en pleine cité, un centre équestre a été installé en bas des immeubles afin que chaque jour les jeunes en difficulté viennent nourrir et soigner les chevaux ; les habitants s’y mettent aussi, ce qui favorise la communication locale. À la Ferme de Nat, en Maine-et-Loire, des personnes polyhandicapées viennent profiter de moments privilégiés avec des ânes, animaux aujourd’hui très recherchés pour leur intelligence (eh oui!), leur curiosité et leur sens du contact. «Avec l’animal, le vivant et le sensible s’imposent dans toute situation », résume Boris Albrecht.

À l’heure des relations via écrans interposés, ces animaux reconnectent les humains à un essentiel en fuite. «Comme les cabanes dans la nature ou la pratique du tricot, ils nous rappellent comme la simplicité nourrit », observe Marine Grandgeorge. Et la chercheuse de citer les «bars à chats» comblant le manque de contacts tactiles des urbains stressés. «Nous, hommes, avons besoin d’être touchés et de toucher, affirme-t-elle. Une étude a notamment montré que lorsqu’un médecin, à la fin d’une consultation, touche le bras de son patient, l’observance des traitements de ce dernier en est améliorée… Et sa santé aussi.»

De l’animal-outil à l’animal-partenaire

Ces animaux peuvent aussi beaucoup nous en apprendre en matière de communication: «Le chien et le cheval notamment savent détecter nos changements émotionnels et hormonaux en relevant certains indices dans nos expressions faciales », explique Marine Grandgeorge. Grâce à ce talent, ils sont passés de l’animal-outil à l’animal-partenaire. Quant au chat, sa capacité attentionnelle doit nous inspirer. «Tous ces animaux nous enseignent que la réelle présence seule fonde une relation de qualité.»

Nos chers compagnons révèlent donc les questions de société que nous n’avons pas encore résolues. «Attention, prévient alors Boris Albrecht, plus la cellule est coercitive, plus il faut réfléchir en amont avant d’y intégrer un animal, car celui-ci peut cristalliser autant les bénéfices que les failles d’une structure!» Et éventuellement en payer le prix dans son être même. D’où la nouvelle question qui émerge: «Comment préserver le bien-être des animaux mis en situation de médiation?»

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