Une marche dans Paris contre la disparition des éléphants et des rhinocéros

Une marche dans Paris contre la disparition des éléphants et des rhinocéros

03/10/2014

Cent mille éléphants ont été tués en trois ans, entre 2010 et 2012.

Margot Levasseur et Géraldine Jacquinot le reconnaissent volontiers : elles ne sont pas des « pros » des manifestations. Elles ont découvert qu’elles s’apprêtaient à organiser, chacune de leur côté, la Marche pour la protection des éléphants et des rhinocéros en se rendant à la préfecture de Paris pour remplir l’indispensable demande d’autorisation d’occupation de la voie publique. C’était il y a un mois.

Depuis, elles travaillent ensemble pour préparer l’édition parisienne d’une mobilisation citoyenne prévue dans plus de 130 villes à travers le monde, samedi 4 octobre. En assumant leur organisation bricolée, leur parole qui n’est pas d’une précision d’experts et toutes les questions auxquelles elles ne savent tout simplement pas répondre. Elles ont été rejointes en route par Frédéric Geffroy, de l’association Planète tigre, qui souhaitait que le félin ne soit pas oublié dans ce combat.

L’AFFAIRE DE TOUS LES CITOYENS

Margot, 22 ans, en troisième année d’études à l’Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort et Géraldine, 31 ans, qui fait du « marketing-développement chez L’Oréal » reconnaissent aussi qu’elles se sentent « un peu dépassées par quelque chose de beaucoup plus gros qu’elles ». Mais elles partagent cette conviction : « Il fallait y aller » pour montrer que le sort des espèces emblématiques de la faune sauvage ne doit pas reposer uniquement sur la mobilisation des grandes Organisations non gouvernementales (ONG) ou des gouvernements. « Cela doit aussi être l’affaire de tous les citoyens », insiste Margot Levasseur.

Une importante augmentation du braconnage des éléphants pourrait provoquer leur disparition, espèce presque éteinte en Afrique orientale, à moins que des mesures urgentes ne soient prises. Lors d’un rassemblement de la CITES, les défenseurs de l’environnement ont demandé l’arrêt complet du marché de l’ivoire dès le mois prochain.

C’est ce qui fait la marque de fabrique de cette marche. A Londres, New York, San Francisco, Johannesburg… et dans tous les autres lieux de mobilisation visibles sur la page Facebook de l’évènement, l’initiative revient à des particuliers. Les réseaux sociaux ont joué un rôle central pour mettre en contact ces bataillons de volontaires. Cette page Facebook tient à la fois du lieu d’échanges et d’informations où tout marcheur potentiel peut trouver le kit des choses à savoir et à faire pour se joindre à la jeune communauté. Les ONG peuvent rallier le mouvement mais pas le reprendre à leur compte.

SAUVEGARDE D’UN PATRIMOINE COMMUN DE L’HUMANITÉ

L’idée d’une « Marche pour les éléphants et les rhinocéros » aussi appelée « Marche contre l’extinction » a été lancée en 2013 au Kenya par le David Sheldrick Wildlife Trust, une fondation créée par la famille du naturaliste David Sheldrick consacrée à la protection des éléphants victimes du braconnage. Elle n’avait alors reçu qu’un modeste succès et la France n’avait pas participé à la première marche organisée – si ce n’est à travers une mobilisation virtuelle organisée par l’IFAW (Fonds international pour la protection des animaux).

« Cette année, le rendez-vous devrait prendre davantage d’ampleur », espère Céline Sissler-Bienvenu, directrice de l’organisation en France et chargée des programmes de lutte contre le braconnage en Afrique. « Quelque chose de nouveau est en train d’apparaître. Comme dans les marches pour le climat dont on a pu constater le succès à New York dernièrement, ce mouvement s’appuie sur des démarches individuelles qui s’affranchissent des ONG. Le message qu’il peut envoyer aux gouvernements pour qu’ils agissent est important. La lutte contre le commerce illicite des espèces protégées n’est pas seulement un enjeu de sécurité. Il est avant tout celui de la sauvegarde d’un patrimoine commun de l’humanité. »

100 000 ELEPHANTS TUÉS EN TROIS ANS

Le rapport Planète vivante publié le 30 septembre par WWF (Fonds mondial pour la nature) a confirmé l’effondrement du nombre d’animaux vivant sur Terre. En quarante ans, de 1970 à 2010, les effectifs des espèces sauvages ont décliné de 52 % selon l’évaluation réalisée sur un échantillon de 10 000 espèces. Parmi les spécimens protégés, les éléphants et les rhinocéros subissent les plus fortes pressions du fait du trafic international d’ivoire et de corne. En Afrique, 100 000 éléphants ont été tués en trois ans – entre 2010 et 2012– par des braconniers, selon le recensement établi par George Wittemyer de l’université du Colorado et publié en août dernier.

Les chiffres provisoires pour 2013 confirment cette tendance. Le moratoire sur le commerce international de l’ivoire, instauré en 1989, a été impuissant à protéger les éléphants. La situation est inégale sur le continent. Au Botswana, en Afrique du Sud et en Namibie, les populations de pachydermes continuent d’augmenter. A l’inverse, l’Afrique centrale, minée par les conflits, est le théâtre des plus grandes opérations de braconnage. En dix ans, le nombre d’éléphants de forêts a diminué de 60 % et un risque d’extinction existe à l’horizon d’une décennie.

500 000 DOLLARS LA CORNE

Le sort des rhinocéros d’Afrique s’aggrave également. Depuis 2007, le nombre de rhinocéros braconnés pour leur corne a été multiplié par seize, l’unité se vendant environ 500 000 dollars (près de 370 000 euros) sur les marchés asiatiques. Si cette tendance se confirme, les populations de rhinocéros blancs et noirs, dont il reste au total 25 000 spécimens, pourraient commencer à décliner d’ici à deux ans, selon le scientifique Richard Emslie, coprésident du groupe de travail sur le rhinocéros africain de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).

Depuis le massacre, en février 2012, de plusieurs centaines d’éléphants dans la région de Bouba N’Djida au nord du Cameroun par des braconniers soudanais, la lutte contre le trafic d’ivoire est aussi perçu comme un enjeu de sécurité régionale en Afrique. La coopération internationale progresse au plus haut niveau, même si jusqu’à présent elle a surtout pris la forme de grandes déclarations dont les retombées tardent à se concrétiser sur le terrain. Les bailleurs occidentaux – Royaume-Uni, Allemagne, France, Etats-Unis– affectent une part plus importante de leur aide à la protection de la biodiversité.

Paris a promis une remise de dette de 10 millions d’euros au Gabon et de 4 millions au Mozambique pour financer leurs politiques de lutte contre le braconnage. Le gouvernement s’est aussi engagé en décembre 2013 à durcir les sanctions contre les trafiquants en portant la peine jusqu’à 750 000 euros dans le cas de trafic organisé, alignant ainsi la législation française sur les normes les plus sévères en vigueur parmi les pays de l’Union européenne. L’entrée en vigueur de ces mesures restent toutefois suspendues au projet de la loi sur la biodiversité, dont l’examen par le Parlement n’a toujours pas été programmé.

MAFIAS INTERNATIONALES

A Paris, les marcheurs qui traverseront la capitale en empruntant les grands boulevards, de la Bastille au Palais royal ont prévu de clore leur action par une destruction symbolique de cornes de rhinoceros et de défenses d’éléphants en papier.

Ensuite, Margot Levasseur et Géraldine Jacquinot ont prévu – comme cela sera le cas dans les autres capitales mobilisées – d’aller remettre aux ambassades de la vingtaine de pays concernés par la contrebande (pays braconnés, de transit ou de revente) un appel réclamant l’interdiction totale du commerce de ces espèces protégées et l’adoption de lois permettant réellement de s’attaquer aux mafias internationales sur lesquelles repose ce très prospère trafic.

Source : Le Monde

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