Les animaux sauvages bientôt chassés des chapiteaux ?

Les animaux sauvages bientôt chassés des chapiteaux ?

Le 09/01/2014

Les éléphants assis sur des tabourets, les tigres traversant des cerceaux de feu et autres otaries tenant un ballon en équilibre sur leur museau vont-ils définitivement quitter la piste des chapiteaux au profit des numéros de voltige et d’acrobatie ?

La question est posée alors que le Parlement belge a adopté, le 18 décembre 2013, un projet de loi interdisant les animaux sauvages dans les cirques.

Dorénavant, seuls les animaux considérés comme « domestiques » seront autorisés : les chiens et chats, les chevaux, ânes et poneys, les lapins, bovins, porcs, lamas, dromadaires, chameaux ou encore pigeons et oies.

HÉBERGEMENT ET TRANSPORTS INAPPROPRIÉS

« A la suite d’inspections, nous avons constaté que les cirques ne respectaient pas les normes en matière de détention des animaux, explique Bruno Cardinal, conseiller scientifique pour le Conseil du bien-être animal, qui dépend du ministère belge de la santé publique. L’hébergement et les transports ne sont pas appropriés aux animaux sauvages, essentiellement en raison des déplacements fréquents des cirques et du manque de place disponible sur leurs lieux d’installation. »

Les camions de transport qui servent également de logement pour les lions, les tigres ou les éléphants ne disposent pas de l’espace nécessaire pour leur bien-être et sont parfois soumis à des températures extrêmes, précise l’expert. Et de poursuivre : « Les animaux sauvages doivent également pouvoir exprimer une série de comportements propres, tels que la fuite ou encore la recherche d’alimentation, ce qui n’est pas non plus possible dans l’enceinte d’un cirque. »

L’hébergement et les transports ne sont pas appropriés aux animaux sauvages, a jugé le Conseil du bien-être animal belge. Ici, un cirque allemand en tournée en Espagne.

Le Conseil du bien-être animal a donc recommandé à la ministre des affaires sociales et de la santé publique, Laurette Onkelinx, de limiter la liste des animaux pouvant être détenus par les cirques. Après l’aval du gouvernement en juillet, le projet de loi a finalement été voté en décembre par la Chambre des représentants, par 127 voix pour, 3 contre et 11 absentions. Le texte doit maintenant faire l’objet d’un arrêté royal d’application avant sa publication au Moniteur belge. Il devrait entrer en vigueur en mars, selon le cabinet de la ministre.

MOUVEMENT D’INTERDICTIONS EN EUROPE

« Un cirque sans animaux sauvages, ce n’est pas un cirque ! Les gens n’y viennent pas pour voir des chats ou des chevaux, déplore Stéphane Agnessen, responsable du festival European circus organisé à Liège. Cette décision va pénaliser de nombreux artistes européens qui ne pourront plus se produire en Belgique. Les cirques belges ne possédant pas d’animaux sauvages, ils les louent pour des numéros à des troupes étrangères ou à des artistes indépendants. »

En réalité, la Belgique emboîte le pas d’autres pays européens. L’Autriche et la Grèce ont déjà banni les animaux sauvages des chapiteaux tandis qu’une interdiction partielle – pour certaines espèces – existe en Allemagne, Hongrie, Danemark et Suède. Le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Suisse l’envisagent également. La France, pays de grande tradition circassienne qui compte une centaine de troupes itinérantes, va-t-elle à son tour légiférer en ce sens ?

« La loi belge est un signal extrêmement fort. Nous avons demandé au ministère de l’écologie de prendre la même décision. La France ne pourra pas longtemps ignorer ce message », assure Véronique Papon, chargée de campagne cirque pour l’ONG Code animal, qui a produit le guide Le cirque : le changement, c’est maintenant !

RÉGLEMENTATION DURCIE EN FRANCE

En France, les otaries et lions de mer doivent bénéficier de piscines intérieures et extérieures.

Des efforts ont déjà été réalisés : depuis le 18 mars 2013, un arrêté durcit la réglementation française datant de 1978. Parmi les mesures prises, les cages intérieures abritant des tigres doivent mesurer un minimum de 7 m2 par animal, les éléphants doivent être attachés par des chaînes matelassées ou avoir accès au minimum une heure par jour aux installations extérieures (minimum de 250 m² pour trois animaux maximum) et les otaries et lions de mer doivent bénéficier de piscines intérieures et extérieures.

Des normes « insuffisantes » et surtout « rarement respectées » selon Véronique Papon. « Au-delà des cas de maltraitance, difficiles à prouver, les animaux sauvages n’ont pas assez d’espace : ils ne peuvent pas développer des comportements normaux car leurs besoins physiologiques ne sont pas respectés, dénonce-t-elle. Leur présence pose par ailleurs des problèmes de sécurité publique. Chaque année, on décompte plusieurs accidents mortels ou graves. » Dernier en date : un homme de 84 ans tué en septembre par un éléphant de cirque en Seine-et-Marne. Des conditions de détention également dénoncées par la fondation 30 Millions d’amis, dont la pétition pour des cirques sans animaux sauvages a récolté plus de 100 000 signatures.

« Nos artistes à quatre pattes sont heureux, rétorque Gilbert Edelstein, propriétaire du cirque Pinder et président du Syndicat national du cirque. On les considère comme notre famille. Il n’y a plus d’abus en France depuis une décennie : si nous ne respectons pas les normes, nos bêtes sont saisies. »

MÉTHODES DE DRESSAGE

Ce débat autour du bien-être animal, qui fait rage depuis des années au sein du monde circassien, n’a jamais été véritablement tranché par les éthologues. Particulièrement l’épineuse question de la maltraitance lors du dressage des animaux. « Une relation de complicité et d’amour peut se créer entre le dresseur et l’animal, estime la philosophe Vinciane Despret, professeur à l’université de Liège et spécialiste des relations homme-animal. Tout dépend du mode de dressage : certains s’opèrent selon un système de récompenses, de négociation et de douceur, tandis que d’autres fonctionnent avec des punitions et peuvent s’avérer violents. Avec le temps, la sensibilité accrue à la condition animale tend à favoriser plutôt la méthode plus douce. »

Quant aux conditions de transport et d’hébergement « très difficiles pour les animaux dans les cirques itinérants », elles pourraient être « améliorées si toutes les troupes avaient des cirques d’hiver, disposant d’un espace suffisant », juge-t-elle.

Reste que les cirques n’ont pas toujours accueilli des animaux exotiques : avant le XIXe siècle, les numéros faisaient intervenir des chevaux et des chiens, rappelle la philosophe. Et le succès des spectacles sans animaux, comme ceux du Cirque du soleil, prouve que l’option reste ouverte. « Mais que ferait-on des animaux sauvages de cirque ?, interroge Vinciane Despret, alors que les chapiteaux français abritent une quinzaine d’éléphants et une centaine de fauves. Je ne suis pas sûre qu’ils seraient mieux dans les zoos. »

Source : Le Monde

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