La toxoplasmose modifie en profondeur le jeu du chat et de la souris
Le 24/09/2013
On savait que le parasite responsable de la toxoplasmose altérait le comportement des souris au point de supprimer chez elles leur peur instinctive des chats.
Une nouvelle étude vient de montrer que même une fois le pathogène éliminé de l’organisme, les rongeurs ne sont plus effrayés par leurs prédateurs naturels. Des résultats qui plaident pour une modification plus profonde du cerveau par le parasite, et qui pourrait nous pousser à revoir le rapport qu’il entretient avec la schizophrénie.
La manipulation mentale existait bien avant les romans de science-fiction. La présence de parasites dans un organisme peut modifier en profondeur les comportements de l’hôte. Ainsi, des gammares (ou puces de mer) se mettent à remonter vers la lumière et donc à la portée des oiseaux qui les mangent lorsqu’ils sont parasités par un ver, puis en profitent pour atteindre leur hôte. Idem pour les sauterelles et les grillons qui entreprennent subitement de se jeter à l’eau et de s’y noyer, sous la contrainte, pour permettre à leur parasite de nager jusqu’à sa prochaine cible.
Les mammifères ne sont pas épargnés. Le parasite à l’origine de la toxoplasmose en est l’exemple le plus célèbre. Retrouvé chez plus d’un tiers des êtres humains, il a été montré récemment dans BMC Infectious Diseases que cet unicellulaire pouvait nous pousser à prendre des risques en voiture, car les personnes infectées de manière latente avaient davantage d’accidents de la route. Mais son effet est nettement plus prégnant chez les rongeurs. Rats et souris parasités inhibent leur peur pour l’urine de chat, et finissent même par être attirés par l’odeur. Une aubaine pour Toxoplasma gondii qui, une fois dans l’intestin du félin, peut se reproduire.
Mais comment une si petite créature peut-elle prendre le contrôle sur les cerveaux d’oiseaux et de mammifères, organes si complexes que nous ne comprenons pas nous-mêmes ? Plusieurs hypothèses ont été proposées, et l’une d’elles, parmi les plus privilégiées, considère que les kystes que les parasites forment dans les neurones de leurs hôtes intermédiaires augmentent les niveaux de sécrétion de dopamine, un neurotransmetteur. On pense même qu’ils pourraient avoir un lien avec la schizophrénie, car les patients se révèlent plus sensibles au protozoaire parasite, et des traitements de la maladie proposent même de s’en prendre au cycle de vie du microbe afin d’éliminer ces kystes.
Les souris guéries de la toxoplasmose aiment toujours les chats
Mais une étude parue dans Plos One rend ces théories un peu brinquebalantes. En effet, Wendy Marie Ingram et ses collaborateurs affiliés à l’université de Californie de Berkeley ont infesté des souris avec deux souches différentes de T. gondii. L’une d’elles a même été génétiquement modifiée de façon à ne pas atteindre le stade bradyzoïte (dans lequel le parasite forme les kystes), et pour que le système immunitaire des rongeurs les débarrasse du pathogène.
Le parasite Toxoplasma gondii pousse les souris à ne plus avoir peur des chats. Ce parasite s’en prend aussi à l’Homme, mais s’avère le plus souvent asymptomatique. Il se montre surtout dangereux pour les fœtus ou les personnes immunodéprimées.
Le parasite Toxoplasma gondii pousse les souris à ne plus avoir peur des chats. Ce parasite s’en prend aussi à l’Homme, mais s’avère le plus souvent asymptomatique. Il se montre surtout dangereux pour les fœtus ou les personnes immunodéprimées.
Dans les trois semaines suivant l’infection, les animaux ne manifestaient plus aucune crainte lorsqu’exposés à l’urine de chats, au contraire, alors qu’ils restaient indifférents à l’urine de lapin. Le micro-organisme n’a donc pas besoin de former des kystes pour manipuler le comportement. Mais l’expérience réserve une surprise de taille. Alors que le parasite restait indétectable aux tests les plus sensibles depuis quatre mois dans le cerveau des souris, les rongeurs manifestaient toujours leur attirance pour l’odeur d’urine de chat.
Revoir la façon dont le parasite manipule le comportement
Ces résultats suggèrent donc que les changements comportementaux pourraient être dus à une modification spécifique intervenant dans une structure cérébrale, générée avant même que T. gondii n’atteigne le stade bradyzoïte.
Ainsi, le modèle de surexpression de la dopamine dans les neurones à cause des kystes ne tient plus. Tout comme l’intérêt des traitements contre la schizophrénie ciblant le cycle de vie parasitaire. Cependant, des investigations plus poussées sont nécessaires, car les rongeurs ne constituent pas le meilleur modèle animal pour étudier la toxoplasmose chez l’Homme.
D’autre part, le lien exact entre le parasite et la schizophrénie demande à être éclairci. En effet, on ignore encore si les personnes infectées sont plus enclines à présenter le trouble mental, ou si les parasites infectent préférentiellement ce type de personnes. N’oublions pas que l’incidence de la toxoplasmose diverge en fonction des régions du monde, alors que la schizophrénie concerne environ 1 % de la population, quels que soient les territoires.
Source : Futura Sciences