« DogTV », la télé pour chien : humains et canins, un même public ?
Le 09/08/2013
Aux États-Unis, la dernière née des chaînes télé s’appelle « DogTV ». Disponible depuis le 1er août, elle s’adresse exclusivement à nos compagnons les chiens. Le but ? Les rassurer quand ils sont seuls. Est-ce que ce n’est pas un peu triste, tout ça ? Décryptage de François Jost, analyste des médias.
Comme on sait, le marketing des chaînes consiste à inventer des canaux qui cibleront un groupe de téléspectateurs liés par des intérêts semblables en sorte de constituer des « communautés imaginaires ». À considérer l’offre française, il semble que l’éventail des choix est très fourni : il y a des chaînes pour les femmes, pour les enfants, les personnes âgées, les amoureux de la musique, du sport, des chevaux… Que sais-je encore ?
Une baby-sitter pour chiens
Mais il y a un public auxquels les marketeurs français n’ont pas pensé : les chiens. Pourtant, n’est-ce pas là, par excellence, une niche captive ? Eh oui, après tout, pourquoi les chiens n’auraient pas leur chienne… leur chaîne, je veux dire. Est-ce que ce ne sont pas des êtres humains comme les autres ?
Eh bien, c’est chose faite. Le 1er août, les Américains – ce peuple dont on admire les séries – viennent de lancer DogTV, une chaîne entièrement réservée à la gent canine. Après des années de travail de spécialistes des animaux, nous apprend son site, des spécialistes ont élaboré des contenus spécifiques pour plaire à nos amis. DogTV est une télévision pour chiens 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, qui diffuse des programmes « scientifiquement développés pour apporter la compagnie juste pour les chiens qu’on laisse seuls ». On compare parfois la télévision à un animal de compagnie, qui peuple la solitude des personnes seules. Avec DogTV, elle devient un « être humain de compagnie »… La chaîne se présente d’ailleurs dans sa page de promotion comme une baby-sitter.
De quoi souffrent les chiens sans leur maître ? D’anxiété, d’abord. Vous croyiez qu’ils aimaient leur boulot de chien de garde. Non. Ils tremblent seuls dans de trop grands appartements. Et puis, couchés sur leur canapé, ils s’ankylosent. Il leur faut donc des programmes qui les rassurent et qui les stimulent.
Des séquences taillées sur mesure
Pour les relaxer, leur sont offerts des vues d’une nature apaisante (lac, forêts de palmiers), en général avec un chien, pour faciliter leur identification, mais aussi des images de chiens qui dorment tranquillement ou que leur maître caresse…
Pour les stimuler, on recourt à d’autres séquences et à une autre énonciation audiovisuelle : des chiens jouent à la balle filmés par une caméra en mouvement à ras de terre, d’autres plongent dans une piscine, d’autres encore se battent avec des congénères… Des balles arrivent vers eux en gros plan. Une troisième série de programmes montrent des chiens dans des situations quotidiennes : le facteur sonne à la porte, la maîtresse lance la balle ou prend sa voiture…
Au moment où, en France, le débat sur la télévision culturelle reprend, on ne peut manquer d’ironiser sur une telle chaîne, dont on imagine qu’elle est un bon support pour vendre des croquettes aux cerveaux des chiens disponibles.
Un bien triste bilan
Mais on rit jaune quand on prend conscience que les fonctions attribuées à la télé pour chien sont, au fond, les mêmes que celles que s’assignent les chaînes généralistes pour peupler la solitude de ceux qui sont obligés de rester chez eux : Jean-Pierre Pernaut, avec ses images des régions et des spécialités locales ne donne-t-il pas aussi à voir un monde rassurant à ceux qui ont peur de l’insécurité (et qui ne sont pas gardés parce que leur chien regarde la télé pour oublier son angoisse…).
Et les jeux sportifs qui fleurissent l’été (de « Fort Boyard » à « Koh-Lanta ») ne sont-ils pas là pour suppléer leur manque d’activité ? Quant aux soap operas, comme l’ont montré depuis longtemps les féministes américaines, ils n’ont d’autres buts que de montrer aux femmes comment elles doivent réagir dans telle ou telle situation domestique…
De là, à conclure que certaines chaînes traitent les téléspectateurs comme des chiens… il n’y a qu’un pas, que je franchis avec la légèreté qui sied à l’analyste en vacances.
Source : Le Nouvel Obs