Un chien témoin dans un procès pour meurtre : une expertise totalement...

Un chien témoin dans un procès pour meurtre : une expertise totalement farfelue

Le 05/03/2014

Deux hommes accusés d’avoir maquillé en suicide le meurtre d’une riche veuve comparaissent devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine.

Pour la première fois dans les annales judiciaires, un chien a été entendu comme témoin. Signes olfactifs, regard, position des oreilles, le dalmatien aurait reconnu les suspects. Pour Jacques Cordel, vétérinaire comportementaliste, cette expertise n’a aucune valeur.

Je me souviens d’avoir pris connaissance de cette expertise dans « Le Canard Enchaîné » et déjà j’avais cru qu’il s’agissait d’une blague. Faire appel au témoignage d’un chien dans un procès pour meurtre, c’est totalement aberrant. Nous sommes en plein délire.

Cette expertise joue avec les croyances populaires, mais il n’y a aucun fondement scientifique à l’appui. Pourtant l’éthologie (l’étude du comportement des espèces animales) est une vraie science, pas une plaisanterie.

Ce genre de réappropriation peut s’avérer dangereux pour nous, comportementalistes, et pour le système judiciaire. Il ne faut pas que cela se généralise.

Il ne faut pas surinterpréter le comportement d’un chien

Il est nécessaire de signaler que l’expert sollicité dans cette affaire n’est pas un vétérinaire comportementaliste. Personnellement, si j’avais été consulté par le juge, j’aurais refusé de pratiquer une telle expertise.

Il me semble totalement aberrant de croire que l’étude seule du comportement d’un chien confronté à des suspects puisse être un élément à charge dans un procès. C’est dangereux et ça alimente les idées reçues que certains peuvent avoir sur les animaux de compagnie et contre lesquelles nous luttons au quotidien.

Les gens imaginent abusivement qu’un chien se sacrifiera pour son maître. Par exemple, j’ai des clients qui me disent que leur chien est « raciste » car il aboie sur les personnes de couleur ou sur les gens en uniformes. Ce n’est ni une question de couleur ou d’odeur, mais c’est souvent lié au comportement du maître. Il suffit que ce dernier serre davantage la laisse pour passer un message à son chien.

Ce n’est pas parce qu’un chien aboie, remue la queue de joie ou renifle une personne qu’il faut surinterpréter ses actes.

Tout est une question de caractère

Dans cette affaire, une chose me dérange particulièrement, c’est le fait qu’on considère que les chiens sont tous les mêmes. Or c’est totalement faux.

Peu importe la race, tout dépend de leur caractère. Il est vrai qu’un mâle aura tendance à être plus territorial et donc parfois agressif avec des étrangers, mais ce n’est pas une norme pour autant. J’ai vu des labradors mordre des enfants, des yorkshires méchants et des pitbulls très doux.

Par exemple, qui peut être sûr que l’animal n’était pas phobique social, qu’il n’avait pas peur des gens ? Si tel avait été le cas, cela pourrait expliquer un comportement étrange, un mouvement de recul ou des grognements à l’encontre des principaux suspects. Le chien aurait pu aussi être hyperactif et donc sans contrôle.

Je suis vétérinaire comportementaliste car j’ai choisi de me spécialiser dans ce domaine. Tirer des conclusions abusives du comportement d’un animal de compagnie pour un procès décrédibilise l’ensemble de la profession.

Comment un chien peut-il être témoin ?

La notion même de « témoin » me dérange. Peut-on vraiment mettre au même niveau une queue qui remue et un témoignage humain ? Ce dernier est déjà souvent sujet à caution, alors que peut-il en être de l’interprétation abusive d’un comportement canin ?

Une expertise se doit d’être faite dans un cadre scientifique précis et sérieux, et non pas d’après des idées reçues mythiques. Quand un humain est mordu par un chien, nous avons pour objectif d’étudier le comportement du chien afin d’expliquer comment cela a-t-il pu se produire. De nos conclusions dépendra la responsabilité du maître et le devenir du chien.

Dans ce cas précis, nous ne savons pas vraiment ce qu’il en est. Je trouve la décision du juge surprenante surtout quand on sait qu’une contre-expertise n’est envisageable pas dans la mesure où le chien est mort.

Pour moi cette expertise ne saurait donc être retenue ni à charge, ni à décharge quant à l’éventuelle culpabilité des inculpés.

Source : Le Nouvel Obs

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