Rencontre avec Grumpy Cat, le chat à 1 million de dollars
Le 12/03/2014
Avec sa tête à l’expression grincheuse, c’est l’un des animaux les plus connus du Web, que l’on a vu dans un nombre incalculable de vidéos, photos, tweets, et dont la valeur a été estimée à près de 1 million de dollars.
C’est l’un des animaux les plus connus sur la Toile, un chat à l’expression grincheuse que l’on a vu dans un nombre incalculable d’images, une figure des réseaux sociaux qui s’affiche désormais sur des tee-shirts, mugs, calendriers, peluches, à la « une » du New York Magazine, du Wall Street Journal et en couverture d’un livre (le Grumpy book) qui s’est classé pendant plusieurs semaines dans les meilleures ventes aux Etats-Unis.
« Si, si, il a été écrit par Grumpy Cat », assure Ben Lashes avec un large sourire. Cet ancien musicien, converti au marketing et devenu le manager officiel du chat au sein de l’entreprise Grumpy Cat Limited, nous rencontre dans le confort climatisé d’un hôtel luxueux d’Austin, au Texas, avec tous ceux qui font partie de ce qu’ils nomment « la famille Grumpy Cat » : à savoir Tabatha Bundesen, l’heureuse propriétaire, et son frère Bryan, président de l’entreprise.
Après le succès de la première apparition du chat au festival South by Southwest, en 2013, tout ce petit monde est revenu à Austin, la capitale du Texas, pour s’assurer du parfait déroulement d’une vaste opération de promotion.
On a vu la tête du matou étalée sur la façade entière d’un bâtiment de la Sixième Rue – celle des fêtards – ou sur le trône original de Game of Thrones. Dans l’immeuble investi par le site Mashable, il fallait attendre un bon moment pour pouvoir prendre des photos ou lui tendre un micro sous le nez.
Même du côté des professionnels, l’apparition de l’animal lors d’une conférence consacrée au business des chats a provoqué une certaine frénésie dans la course à la meilleure photo, éclipsant la fin de la discussion. « Le chat reste calme, il se fiche des appareils photos. Et, non, nous ne lui donnons jamais de calmants », précise Bryan Bundesen.
DÉFORMATION LIÉE AU NANISME
La marque Friskies, pour laquelle Grumpy Cat est devenu un ambassadeur – « Ce sont eux qui nous ont contactés l’année dernière », explique M. Lashes –, avait, quant à elle, loué un bateau pour distribuer gratuitement de la nourriture aux animaux abandonnés.
« On vient d’apprendre qu’on avait réussi à distribuer 50 000 portions, dont la moitié vient de la participation des fans de Grumpy Cat sur Twitter [pour chaque photo de chat postée avec le mot clé #HolyShrimp, un chat était nourri]. C’est vraiment cool, la capacité de ce chat à générer autant de réactions », se réjouit Ben Lashes.
La particularité de cette chatte ? Elle fait la grimace en raison d’une déformation liée au nanisme. Grumpy Cat, de son vrai nom Tardar Sauce, a connu la célébrité un peu par hasard après sa première apparition sur le site américain Reddit en septembre 2012.
« Je vous présente Grumpy Cat » (soit, en français, « le chat grincheux ») poste Bryan Bundesen après avoir pris en photo l’animal de sa sœur. Deux jours plus tard, cette photo de Grumpy Cat avait été vue plus d’un million de fois et détournée par plusieurs centaines de personnes, rapporte le site Know Your Meme.
« C’EST UNE ICÔNE »
Deux mois plus tard, Ben Lashes devenait le manager de Grumpy Cat, après avoir déjà géré le succès de plusieurs chats stars du Web comme Keyboard Cat ou Nyan Cat. « J’étais un gros fan, alors j’ai contacté Bryan et j’ai appris qu’il cherchait lui aussi à me joindre. » Avec Grumpy Cat, Ben Lashes est entré dans une nouvelle dimension.
« C’était le bon chat au bon moment. Personne ne peut expliquer pourquoi, mais il est impossible de ne pas rigoler ou de détacher ses yeux lorsqu’on voit cette tête apparaître. C’est une icône. Le phénomène n’est pas très différent de celui qui a conduit au succès des Beatles. Sauf que, cette fois, c’est bien plus démocratique : ce sont avant tout les fans de Grumpy Cat sur Internet qui ont décidé de faire de ce chat une rock star. »
Disert sur le phénomène en tant que tel, Ben Lashes est plus timide lorsqu’il s’agit de parler de l’argent gagné par Grumpy Cat Limited, qui génère des sommes considérables à partir d’un mème. « Oui, il y a une part de business et d’entertainment. Mais nous serions fous de ne pas faire de business lorsqu’on voit les millions de personnes qui adorent Grumpy Cat et qui regardent ses vidéos ou ses photos même quand il s’agit d’une publicité », répond-il seulement lorsqu’on lui demande des chiffres.
Ce business est pourtant assurément juteux. En septembre 2013, le New York Magazine estimait la valeur de Grumpy Cat à 1 million de dollars. Depuis, un deuxième Grumpy Book est en préparation après le succès du premier. Des projets de séries télévisées sont à l’étude.
Un contrat a même été signé pour la production d’un film. Reste maintenant à trouver un studio capable de financer un projet qui « ne sera pas un film d’animation, mais bien un vrai film avec le vrai Grumpy Cat dedans », explique Ben Lashes, sans s’avancer sur le scénario.
« Je n’ose pas trop en parler pour ne pas être déçu, mais je rêve d’un parc d’attractions », risque-t-il derrière ses Ray Ban. Avant de se reprendre et d’affirmer : « L’argent n’est jamais en jeu. Ce n’est pas notre truc de vouloir à tout prix gagner des sous. Cela vient en plus et c’est en fait plutôt facile à gérer, étant donné toutes les sollicitations qui nous parviennent. »
Derrière lui, sur des canapés, Tabatha joue avec le chat. « Ce qui nous arrive est incroyable », dit-elle, en se réjouissant « de ne plus être une serveuse à Phoenix ». Son frère Bryan travaillait auparavant pour une compagnie de télécommunications dans l’Ohio. Aujourd’hui, leur quotidien est rythmé par « leur nouveau travail » : celui de devoir rencontrer des investisseurs et exhiber Grumpy Cat aux yeux du monde entier.
« Oui, on aimerait bien planifier une « Grumpy invasion » de l’Europe, ce serait génial », rigole Ben Lashes. Ils ont le temps : Grumpy Cat doit fêter ses deux ans en avril, ce qui laisse encore à la « famille Grumpy Cat » de longues années de succès devant elle.
Source : Le Monde