Pourquoi les animaux sont toujours considérés comme des biens

Pourquoi les animaux sont toujours considérés comme des biens

Le 17/04/2014

Les animaux sont-ils des choses d’un point de vue juridique ? C’est l’épineuse question à laquelle se sont frottés les députés lors d’un débat long et animé, mardi 15 avril au soir, visant à faire évoluer un Code civil poussiéreux en matière de droit animal.

En votant un amendement surprise, l’Assemblée nationale a reconnu aux animaux la qualité « d’êtres vivants doués de sensibilité », une évolution législative purement symbolique qui échoue une fois de plus à créer un nouveau statut de l’animal.

Jusqu’à présent, les animaux sont considérés par le Code civil comme des biens meubles ou immeubles tandis que le code rural et le code pénal reconnaissent, explicitement ou implicitement, leur qualité d’êtres vivants et sensibles.

HARMONISER LE DROIT

« Nous avons voulu mettre en cohérence les trois codes. Ils s’agissait de mieux concilier la qualification juridique et la valeur affective de l’animal », explique le député PS des Hautes-Pyrénées Jean Glavany, corapporteur de l’amendement voté par la majorité dans le cadre d’un projet de loi de modernisation et de simplification du droit.

Cette modification législative fait suite à une pétition lancée il y a près de deux ans par la fondation 30 Millions d’amis, qui a rassemblé près de 700 000 signatures et reçu le soutien d’une vingtaine d’intellectuels – au premier rang desquels Michel Onfray, Erik Orsenna ou Luc Ferry.

« Je suis heureuse que les députés reconnaissent une évidence dans notre Code civil : l’animal est un être doué de sensibilité. La Fondation 30 Millions d’amis regrette toutefois qu’une catégorie propre pour les animaux n’ait pas été créée et reste fortement mobilisée », écrit sa présidente Reha Hutin dans un communiqué. Cette modification n’est « en aucun cas une révolution pour les animaux » et « ne remet malheureusement pas en cause l’exploitation animale », abonde la Fondation Brigitte Bardot.

« AMBIGUÏTÉ DÉLIBÉRÉE »

Car avec cet amendement, les députés n’ont en rien modifié le droit animal. Sur la forme, le sort du texte est encore suspendu à une validation de la Commission mixte paritaire dans le cadre d’une procédure accélérée. Surtout, l’amendement risque d’être considéré comme un « cavalier législatif » et à ce titre retoqué par le Conseil constitutionnel : on peut lui reprocher de ne pas avoir de lien direct avec le projet de loi global dans lequel il s’insère – un texte fourre-tout qui traite aussi bien du tribunal foncier de la Polynésie française, que des procédures de tutelle ou du droit des obligations.

Sur le fond, « ce texte entretient une ambiguïté délibérée sur le fait de savoir si les animaux sont encore des biens », dénonce Jean-Pierre Marguénaud, professeur de droit à la faculté de Limoges et directeur de la Revue semestrielle de droit animalier.

Dans le détail, les animaux sont maintenus dans la catégorie du Code civil qui se réfère aux biens (et sont à ce titre soumis à leur régime juridique), mais ont disparu des articles 524 et 528 qui caractérisaient les types de biens, qu’ils soient meubles ou immeubles.

PAS DE CATÉGORIE PROPRE POUR LES ANIMAUX

Un autre amendement plus ambitieux avait été proposé par le groupe socialiste afin de lever cette ambivalence, en créant une troisième catégorie propre aux animaux, entre les personnes et les biens. Mais il a été retiré avant la discussion. « Nous n’avons finalement pas créé de droit nouveau car nous ne mesurions pas toutes les conséquences juridiques d’une nouvelle catégorie, justifie Jean Glavany. S’attaquer au statut de l’animal, c’est affronter les chasseurs, les éleveurs ou les pro-corrida. Les animaux restent des biens mais on a fait un premier pas. »

« L’amendement a le mérite de faire émerger ce débat dans le Code civil, c’est-à-dire les questions qui concernent la société civile et non plus seulement celles qui ont trait au monde rural », reconnaît Jean-Pierre Marguénaud.

Jean-Marc Neumann, juriste et vice-président de la Fondation Droit animal, éthique et science, avertit : « Tant que l’on n’aura pas un grand débat de société sur la place que nous voulons leur accorder et les efforts auxquels nous sommes prêts pour changer leur statut, les animaux resteront des biens que l’on peut acheter, vendre, exploiter et consommer. »

Source : Le Monde

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