Les animaux ne sont plus des «meubles»
Le 15/04/2014
Un amendement leur donne la qualité «d’êtres vivants doués de sensibilité», mais ils restent considérés comme des «biens corporels».
Un chat n’est pas une lampe. La loi vient d’intégrer ce qui peut sembler une évidence pour beaucoup. Un amendement a été ajouté au projet de loi sur la simplification du droit, visant à clarifier le statut juridique des animaux domestiques. Ce dernier, rédigé par le député PS des Hautes-Pyrénées, Jean Glavany, devait être voté mardi dans la soirée. Il est censé éclaircir un peu le flou du statut légal de l’animal domestique. Depuis Napoléon et la création du Code civil, nos chers compagnons étaient considérés comme de simples meubles. Mais attention, des meubles qu’il convenait ni de battre ni d’abandonner, sous peine de prison: le Code pénal, lui, reconnaît les animaux comme des êtres capables de souffrance. En février, un Marseillais a ainsi été condamné à un an de prison pour avoir lancé un chaton contre un mur à plusieurs reprises.
Ce statut mixte de l’animal fait depuis longtemps l’objet d’une bataille de la part de ses défenseurs, notamment la Fondation 30 millions d’amis, qui fait circuler une pétition demandant un changement de notre droit depuis plusieurs mois. Parmi les 600 000 signatures, figurent celles de philosophes comme Michel Onfray ou Luc Ferry pour qui «les animaux ne sont ni des choses, comme le prétendait Descartes de façon aberrante, ni non plus des humains.»La preuve, selon Luc Ferry: «ils n’ont pas de morale, d’éthique. On a déjà vu des humains dépenser des trésors d’énergie pour sauver une baleine, on n’a jamais vu, sauf dans les contes de fées, une baleine en faire autant pour eux. Ce sont en revanche, comme nous, des êtres sensibles, susceptibles d’éprouver du plaisir et de la peine et même, de développer une intelligence et une affectivité considérables. C’est cela qu’il faut prendre en compte et respecter, sans pour autant les «humaniser» défend-il
Les chasseurs, pêcheurs et agriculteurs font pression pour que le droit n’évolue pas
L’amendement va dans ce sens, puisqu’il vise à modifier le Code civil afin de donner aux bêtes la qualité «d’êtres vivants doués de sensibilité». Mais il reste purement symbolique. En effet, le texte précise que ces êtres vivants restent soumis au «régime juridique des biens corporels». Un maître dont le chien meurt dans la soute d’un avion se verra toujours indemnisé comme s’il avait perdu une simple valise – contrairement à ce que propose le député UMP Frédéric Lefebvre. Mais à la décharge du législateur, modifier le statut juridique de l’animal n’a rien d’aisé. De nombreuses tentatives dans le passé ont avorté. En 2005, le ministre de la Justice Dominique Perben lance en vain des travaux. En 2012, le Conseil économique social et environnemental (Cese) a mis fin à ses débats en interne sur la question, en raison de trop vives tensions entre les défenseurs des animaux d’un côté et les chasseurs, pêcheurs et agriculteurs de l’autre. Les organisations de défense de la chasse, de la pêche et de l’élevage craignent qu’un changement de statut des animaux ne vienne nuire à leurs activités. Idem des laboratoires pharmaceutiques, qui pour certains, utilisent les animaux dans la recherche.
Créer une personnalité juridique spécifique pour l’animal impliquerait en effet de reconsidérer la légalité de ces activités. Sans oublier les passionnés de corridas ou de combats de coqs. Que deviendraient-ils si l’animal devenait une personnalité juridique? Aujourd’hui, les pratiquants de ces disciplines sont exempts de poursuite et ne sont pas considérés comme maltraitants envers les animaux. Enfin, si l’animal devenait un être vivant à part entière, pourrait-on encore le vendre? Toutes ces questions feront encore débat à l’Assemblée nationale ce mercredi, lors d’une réunion du Groupe d’étude sur la protection des animaux.
Source : Le Figaro