Les animaux génétiquement modifiés attendent leur heure

Les animaux génétiquement modifiés attendent leur heure

Le 04/05/2013

Né en août 2012, Pig 26 est porcinet génétiquement modifié par le Roslin Institute d'Edimbourg, pour résister à la peste porcine africaine.

Il porte un nom moins séduisant que Dolly, mais son avenir est peut-être plus prometteur. Créé par le Roslin Institute d'Edimbourg (Ecosse), où était née en 1996 la célèbre brebis clonée, Pig 26 est un porc génétiquement modifié pour résister à la peste porcine africaine. Il est venu au monde en août 2012, mais son existence n'a été révélée qu'en avril 2013. Le temps de s'assurer que l'espoir placé en lui était viable.

Car Pig 26 n'est pas un animal transgénique ordinaire. La technique mise en oeuvre pour le rendre résistant à la maladie diffère de celle habituellement employée sur un point essentiel : elle ne nécessite aucun gène de résistance aux antibiotiques.

Utilisés comme marqueurs pour vérifier que les cellules ont bien été modifiées, ces gènes sont la bête noire des opposants aux organismes génétiquement modifiés (OGM), qui craignent que leur dissémination vienne aggraver la résistance des agents bactériens à ces médicaments essentiels à la santé publique.

Pour les tenants de la transgénèse, pouvoir s'affranchir des gènes de résistance aux antibiotiques constitue donc un réel avantage. A l'heure où la Food and Drug Administration américaine s'apprête à donner son feu vert à la commercialisation du premier animal transgénique destiné à la consommation – un saumon de l'Atlantique modifié de façon à grossir deux fois plus vite que la normale –, cette avancée est un signe supplémentaire de la montée en puissance des animaux génétiquement modifiés (AGM).

UN CONTRÔLE DES NAISSANCES DES MOUSTIQUES AFFRANCHI DES INSECTICIDES

Moins médiatisés que leurs homologues végétaux – maïs, pommes de terre et autres plantes transgéniques dont la culture fait l'objet de polémiques récurrentes en Europe –, ces AGM, derrière les portes des laboratoires, n'en attendent pas moins leur heure. Aucun pays n'en a encore autorisé l'utilisation autrement que de façon expérimentale. Mais beaucoup l'envisagent.

Depuis plusieurs années, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) élabore ainsi, à la demande de la Commission européenne, un document d'orientation relatif à l'évaluation des risques environnementaux des animaux transgéniques.

Mammifères, oiseaux, poissons ou insectes : pour toutes les espèces susceptibles d'être concernées, ce document détaille les données et la méthodologie qui permettront d'évaluer leur impact sur la santé humaine et animale en cas de futures demandes d'autorisation de mise sur le marché européen. Les grandes lignes de ce texte d'orientation ont été adoptées le 18 avril, à Parme (Italie), lors d'une réunion du groupe scientifique en charge des OGM. Au grand dam de l'association britannique GeneWatch, pour qui l'EFSA, en adoptant ces règles, ouvre la voie à la production commerciale d'AGM "que nous retrouverons dans nos champs, nos rivières, nos mers et dans les airs".

Un mouton phosphorescent né en Uruguay dont l'ADN a été génétiquement modifié, pour briller sous une lumière ultraviolet. L'image, prise le 5 avril 2013, a été publiée par l'Institut de reproduction animale d'Uruguay le 24 avril.

Pour ces détracteurs, le principal sujet d'inquiétude ne porte pas actuellement sur des animaux destinés à la consommation, mais sur des insectes. Appliquée à des moustiques mâles vecteurs de graves maladies (fièvre jaune, dengue), la transgénèse permet en effet de rendre leur descendance non viable, et de pratiquer ainsi un contrôle des naissances en s'affranchissant des insecticides.

Depuis 2010, plusieurs lâchers expérimentaux de ces mâles transgéniques ont été effectués, aux îles Caïmans et en Malaisie, par l'entreprise de biotechnologie britannique Oxitec. Avec des résultats assez encourageants pour intéresser le Brésil, où plusieurs millions de moustiques ont également été lâchés à titre expérimental.

Selon le même principe, la firme Oxitec peaufine actuellement la modification génétique de la mouche de l'olivier, de la mineuse de la tomate et de la teigne du chou, afin que ces ravageurs des cultures produisent une descendance non viable.

Si ces lignées venaient à être commercialisées, "des milliards de chenilles et d'oeufs de papillons et d'insectes génétiquement modifiés pourraient se retrouver dans les fruits et légumes, s'inquiète Christian Berdot, membre de l'association Les Amis de la Terre. L'agriculture intensive est dans une impasse que les compagnies de biotechnologies essayent de prolonger, mais à quel prix ? Et quelles seront les conséquences pour l'ensemble des écosystèmes touchés ? Personne ne le sait."

NOUVEAU PROCÉDÉ D'INTERVENTION MOLÉCULAIRE

Dans ce contexte polémique, les AGM destinés à la consommation paraissent encore, en Europe, relever de la science-fiction. Mais la situation pourrait évoluer plus vite qu'il n'y paraît. Notamment grâce à l'avancée technique qui a donné naissance à Pig 26.

La manipulation génétique réalisée par les chercheurs écossais est en effet d'une précision inédite. Menée sur l'œuf fécondé qui lui a donné naissance, elle consiste à pratiquer sur le génome de Pig 26 une minuscule modification – portant sur une seule base nucléique –, en un lieu déterminé d'un seul gène. Lequel devient ainsi identique à celui des porcs africains, naturellement immunisés contre le virus de la peste porcine.

Dix à quinze fois plus efficace qu'auparavant, ce nouveau procédé d'intervention moléculaire pourrait donner un essor inédit à la transformation du patrimoine héréditaire des animaux domestiques. Au Roslin Institute, les biologistes travaillent actuellement à créer des poulets génétiquement résistants à la grippe aviaire.

En Chine, d'autres tentent de faire produire à des vaches un lait riche en acides gras oméga 3, normalement présents dans certains poissons. Alors qu'il faudra nourrir plus de 9 milliards de personnes en 2050, l'enjeu de ces recherches est évidemment considérable.

Source : Le Monde

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