Le chat, meilleur ami des premiers fermiers ?
Le 13/01/2014
Dans l’Egypte antique, le chat était vénéré sous la forme de la déesse Bastet, et il est aussi représenté à côté d’un homme portant une baguette d’éleveur sur la tombe d’un roi, Baket III, datant d’environ 1950 avant J.-C. Les archéologues ont donc longtemps pensé que le chat avait été domestiqué du temps des pharaons.
Les os de chats découverts ces dernières années sur des sites néolithiques raconteraient-ils une histoire plus ancienne encore ?
C’est l’hypothèse défendue par les auteurs d’une étude parue le 16 décembre, dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), et relatant la découverte de tels os dans un village d’agriculteurs néolithiques (vers – 5 300) à Quanhucun, dans le centre de la Chine. L’homme, devenu agriculteur, aurait attiré le chat auprès de lui pour lutter contre les rongeurs qui dévalisaient ses stocks. Il l’aurait nourri en échange de ses bons et loyaux services.
UN TROISIÈME POINT SUR LA CARTE
« Après le Croissant fertile et Chypre, cette découverte nous apporte un troisième point sur la carte du monde où ce scénario s’est déroulé, explique Jean-Denis Vigne, du CNRS et du Muséum national d’histoire naturelle, qui fut l’un des premiers à étayer cette hypothèse. A partir du moment où l’agriculture démarre, les souris se multiplient et les chats sont là. »
En février 2004, son équipe décrivait, dans la revue Science, la découverte à Chypre d’un squelette de chat dans une tombe humaine d’un village d’agriculteurs ayant vécu vers 9 500 ans avant J.-C. « Le chat était positionné en miroir de l’homme, et leur association dans l’au-delà indique que l’homme avait un lien étroit avec ce chat », poursuit-il.
L’étude des isotopes de carbone et d’azote présents dans le collagène des os de chats découverts à Quanhucun fournissent des informations complémentaires. « Elle montre que ces chats mangeaient des rongeurs qui, eux-mêmes, mangeaient des graines de millet », commente Fiona Marshall, de l’université Washington à Saint Louis aux Etats-Unis et coauteure de l’étude chinoise. « La forme des récipients découverts sur le site, conçus pour protéger les céréales, révèle aussi que ces fermiers avaient des problèmes avec les rongeurs, et il est fort probable que leur relation avec ces chats se soit fondée sur la base d’un intérêt mutuel. »
Au total, huit os ont été retrouvés parmi des débris de poteries, d’outils et d’ossements d’autres animaux. Leur analyse a également permis de montrer que l’un des chats était âgé de 6 ans, une longévité inhabituelle à l’état sauvage. Selon Jean-Denis Vigne, « elle ne s’explique que si ce chat a été nourri par l’homme. »
LIEN PRIVILÉGIÉ AVEC L’HOMME ?
Des arguments néanmoins mis en doute par Carlos Driscoll, du National Institute of Health aux Etats-Unis, dont les travaux en génétique ont permis d’authentifier Felis silvestris lybica, une sous-espèce de chat proche-orientale et africaine, comme l’ancêtre de nos chats domestiques. « Les chats sont de mauvais prédateurs contre les rongeurs, et rien dans cette étude ne prouve qu’ils aient eu un lien privilégié avec les hommes. Ils peuvent aussi bien avoir été utilisés pour leur fourrure, commente-t-il. Mais cette étude est intéressante car elle ouvre des perspectives sur l’étude des chats domestiques. Si les os trouvés en Chine sont de la sous-espèce Felis silvestris lybica, cela signifie que les chats ont été importés depuis le Proche-Orient. Sinon, cela impliquera que d’autres sous-espèces aient pu être domestiquées. »
Les études génétiques et morphologiques en cours devraient permettre d’élucider la question de leur origine.
Source : Le Monde