La truffe du chien, sans égale pour dépister le cancer de la prostate
Le 21/05/2014
Bien entraînés, certains chiens sont capables de détecter les tumeurs de manière plus fiable que par le test PSA et une biopsie, selon les résultats de recherche d’une équipe italienne.
À l’heure des nouvelles technologies et de l’arrivée des nanosciences en médecine, c’est un résultat insolite mais prometteur qu’a annoncé il y a trois jours le Dr Gianluigi Taverna de l’Humanitas Research Hospital de Milan, au congrès de l’Association américaine d’urologie à Orlando (Floride). Le protocole de ses recherches sur le dépistage du cancer de la prostate, qui consiste à faire renifler des échantillons d’urine par des chiens, peut paraître simpliste, mais les résultats obtenus sont d’une précision impressionnante: les chiens ont détecté correctement la tumeur dans 98 % des cas! Si des recherches similaires avaient déjà été conduites, c’est la première fois qu’elles s’appuient sur un nombre de tests aussi important (902 patients).
Lorsqu’elles se développent, les tumeurs induisent des perturbations du métabolisme qui s’expriment par l’expulsion de molécules spécifiques dans les urines. Avec 200 millions de cellules olfactives, les chiens sont 40 fois mieux équipés que nous, ce qui leur procure des compétences sensorielles exceptionnelles. Une prouesse physique qui montre la supériorité du chien sur l’homme dans ce domaine, mais qui intéresse également les chercheurs pour la détection de ces molécules, des composés organiques volatils (COV) marqueurs de cancers.
Plus précis que la biopsie
Le Dr Taverna a utilisé deux bergers allemands femelles de 3 ans. Zoe et Liu, anciens chiens de détection d’explosifs, avaient été entraînées à reconnaître les échantillons d’urine de personnes atteintes du cancer de la prostate pendant cinq mois, au centre vétérinaire du ministère italien de la Défense. Pour leur étude, les chercheurs ont fait sentir aux deux canidés les échantillons d’urine de 902 participants, dont 362 hommes ayant un cancer de la prostate, à différents stades de la maladie, et 540 femmes et hommes atteints d’autres cancers, d’affections diverses ou en bonne santé. Les deux chiennes sont parvenues à détecter respectivement 100 % et 99 % des échantillons positifs, et à éliminer 98 % et 96 % des échantillons négatifs, soit seulement 16 faux positifs et 4 faux négatifs.
Quoique surprenants, ces résultats ouvrent des perspectives intéressantes, au regard des difficultés que peuvent poser les examens de dépistage traditionnels. La pertinence du parcours classique de détection du cancer de la prostate – un toucher rectal suivi d’une prise de sang pour tester le taux d’antigène prostatique spécifique (PSA), puis d’une IRM et d’une biopsie de la prostate en cas de PSA élevée – fait débat entre les autorités de santé et les urologues. Des faux positifs pour le test PSA, des faux négatifs pour la biopsie (plus de 15 %) et quelques effets secondaires (pertes de sang, infections) liés à la procédure ont poussé la Haute Autorité de santé à réfuter l’intérêt du dépistage de masse.
Des «nez artificiels»
La qualité de détection par les bergers allemands dressés serait donc une bonne nouvelle, mais pas dans l’optique d’utiliser des chiens dans les hôpitaux. «Il sera compliqué d’utiliser des chiens pour diagnostiquer», explique au Figaro le Pr Olivier Cussenot, urologue à l’hôpital Tenon. «Le test n’est pas standardisable, car les chiens ne sont efficaces que sur une courte période de leur vie et ils ne sont pas capables d’enchaîner les échantillons. En revanche, tous ces travaux effectués avec des chiens confortent le fait qu’il y a une voie de recherche de signatures spécifiques des cancers. Les chiens décèlent une combinaison particulière de molécules que l’on tente de définir pour pouvoir les associer au cancer de la prostate et créer des machines reproduisant la détection», ajoute-t-il.
L’industrie médicale est déjà engagée dans le développement d’appareils de diagnostic utilisant les marqueurs repérés dans les urines, mais aussi dans l’air expulsé des poumons. L’institut israélien Technion est ainsi en phase de test pour un «nez artificiel» appelé «Na-Nose», dispositif électronique capable de détecter dans l’haleine la présence de différents cancers – et de l’hypertension artérielle pulmonaire -, un peu à la manière d’un alcootest. La société, qui s’est appuyée sur les résultats de recherche avec les chiens, annonce une fiabilité de 95 %, comparable avec la précision canine.
Ces évolutions technologiques assureront certainement une avancée dans le diagnostic de cancers mais ne remplaceront pas complètement les techniques existantes car elles ne donnent pas d’informations sur le stade d’évolution de la tumeur. Elles pourraient en revanche fournir une méthode de dépistage fiable, non invasive et peu coûteuse.
Source : Le Figaro