Malgré une nouvelle proposition de loi, le droit animal reste dans l’impasse

Malgré une nouvelle proposition de loi, le droit animal reste dans l’impasse

Le 04/06/2014

Les animaux vont-ils bénéficier d’une reconnaissance et d’une protection à part entière dans le droit ?

C’est en tout cas l’objectif d’une nouvelle proposition de loi visant à accorder un statut juridique particulier à l’animal, signée par 19 députés de tous bords, membres du groupe d’étude sur la protection des animaux, et présentée par sa rapporteuse, Geneviève Gaillard (PS, Deux-Sèvres), mardi 3 juin, lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale.

Ambitieux dans la forme, le texte cherche tout d’abord à faire évoluer un Code civil poussiéreux en matière de droit animal. Une catégorie spécifique aux animaux serait créée, afin de les sortir des biens meubles et immeubles dans lesquels ils sont aujourd’hui classés.

La qualité « d’êtres vivants doués de sensibilité » leur serait en outre reconnue, en cohérence avec un Code rural et un Code pénal plus avancés. « Les animaux doivent bénéficier de conditions conformes aux impératifs biologiques de leur espèce et assurant leur bien-être/bien-traitance », complète la proposition de loi.

Autre avancée : le Code pénal, qui sanctionne les actes de cruauté et les sévices à l’encontre des animaux (passibles de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende), s’appliquerait également aux animaux sauvages et non plus seulement à ceux « apprivoisés ou tenus en captivité ». Enfin, le tribunal pourrait décider de retirer un animal à son propriétaire, et le confier à une fondation ou une association de protection animale, « en cas de condamnation au titre des infractions en lien avec les animaux ».

ÉLEVAGE ET CHASSE TOUJOURS AUTORISÉS

« Cette proposition de loi marque un réel progrès pour distinguer les animaux des choses. Mais il est dommage qu’elle ne s’attaque pas aux sujets qui fâchent. Dans les faits, les animaux pourront toujours être achetés, vendus, exploités et consommés », regrette Jean-Marc Neumann, juriste et vice-président de la Fondation Droit animal, éthique et science.

De fait, le texte ne prétend pas « faire des animaux des sujets de droits », ni faire obstacle aux activités économiques ou de loisirs qui les utilisent. La production et commercialisation de viande, la chasse, les pratiques sportives et de loisirs utilisant des animaux (comme la corrida) ne seraient ainsi pas entravées, mais devraient être menées de « manière éthique ».

« On peut chasser avec des règles précises, comme on peut manger des animaux avec des règles précises lors de l’abattage. Mais nous ne voulons pas nous attaquer aux chasseurs ou aux éleveurs », veut rassurer Geneviève Gaillard, qui reconnaît que le sujet, « controversé », « clive au sein des acteurs économiques, des parlementaires et de la société civile ».

« TEXTE COURT-CIRCUITÉ »

Des divergences d’intérêts telles que la proposition de loi risque de ne jamais être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour être débattue puis votée : « Le gouvernement n’a aucune envie d’ouvrir le débat public sur un sujet aussi explosif. Il ne veut pas se mettre à dos les éleveurs et les chasseurs, assure Jean-Marc Neumann. C’est pourquoi il a cherché à court-circuiter la proposition de loi. »

Si Geneviève Gaillard réfute le terme, sa proposition de loi a pourtant bel et bien été doublée par un amendement surprise voté par l’Assemblée nationale le 15 avril. Ce texte, à l’initiative d’un député de son propre groupe, le socialiste Jean Glavany (Hautes-Pyrénées), va moins loin puisqu’il reconnaît aux animaux la qualité « d’êtres vivants doués de sensibilité », mais les maintient dans la catégorie des biens du Code civil.

Cet amendement est en outre aujourd’hui bloqué. Le projet de loi de modernisation et de simplification du droit, dans lequel il est inscrit, n’a pas été validé par la Commission mixte paritaire faute d’accord entre députés et sénateurs et a donc été renvoyé à l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Les sénateurs étaient vivement opposés au changement de statut de l’animal, faisant écho au « mécontentement » et aux « inquiétudes » de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).

Le droit animal reste donc dans l’impasse. « L’amendement de M. Glavany et la proposition de loi de Mme Gaillard sont complémentaires et vont dans le bon sens, tente d’apaiser Réha Hutin, présidente de la Fondation 30 millions d’amis, à l’origine d’une pétition qui a rassemblé plus de 700 000 signatures et reçu le soutien d’une vingtaine d’intellectuels. Il s’agit de rares opportunités qu’il ne faut pas laisser passer. En effet, cela fait des années que la question de l’évolution du statut juridique de l’animal est soulevée mais sans traduction législative concrète. »

Depuis trois ans une dizaine de propositions de loi ont été déposées à l’Assemblée nationale et au Sénat pour faire évoluer le statut juridique de l’animal ou lui accorder une protection renforcée. Aucune n’a jamais été débattue.

Source : Le Monde

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