Les animaux aussi prennent l’accent du coin

Les animaux aussi prennent l’accent du coin

Le 19/05/2012

Des études montrent que des animaux d’une même espèce s’expriment différemment selon leur origine locale, voire de leur milieu social. Ainsi le pinson des arbres valaisan ne chante pas comme son congénère vaudois!

On sait que le débit, la prononciation et l’intonation de la diction révèlent une origine régionale ou un milieu social. Ce que l’on sait moins, c’est que l’accent n’est pas le propre de l’homme. Une étude de l’Université londonienne Queen Mary s’est penchée sur le bêlement en suivant une fratrie de chèvres pygmées. A l’âge d’une semaine, quand les chevreaux sont encore avec leurs frères et sœurs, leurs cris sont identiques. Puis à 5 semaines, au moment où se forment des groupes sociaux entre individus du même âge, les jeunes chèvres adoptent des chevrotements spécifiques à leur groupe. «Cela suggère que les chevreaux modifient leurs appels selon leur environnement social et développent des accents, commente Elodie Briefer, qui a dirigé cette étude. Et si l’accent des chèvres est conditionné par leur milieu, peut-être que c’est aussi le cas des autres mammifères…»

Tout porte à croire qu’il en va ainsi avec les baleines. Shane Gero et Hal Whitehead, de l’Université de Saint Andrews, au Royaume-Uni, ont récemment mis en évidence que les chants des baleines ne sont pas semblables dans toutes les mers du monde, car teintées d’un accent régional. Ces mammifères marins peuvent donc savoir à qui ils ont affaire grâce aux particularités des sons émis par les uns et les autres. Cela n’empêche pas toutes les baleines à bosse mâles, comme le souligne une étude australienne, de chanter la même «mélodie», qui se propage d’ouest en est dans l’ensemble des océans du monde et change chaque année!

Marquer son appartenance

D’après les recherches d’Hal Whitehead, les cachalots et les orques sont, eux aussi, conscients de leurs origines ethniques. Ainsi, dans les régions de l’océan partagées par plusieurs clans, les différences d’intonations sont amplifiées pour bien marquer cette appartenance, «comme quand un Irlandais rencontre un Gallois», commente le chercheur. «Quant aux grands dauphins, ils émettent une signature sifflée», explique Max-Olivier Bourcoud, président de la Société suisse d’étude et de protection des cétacés, faisant référence à une étude publiée cette année dans la revue scientifique Proceedings of the Royal Society B. «Ce signal propre à chaque individu est utilisé pour s’identifier quand deux groupes se rencontrent en mer.» Les scientifiques soulignent également que la pollution sonore des océans (sonars militaires, trafic maritime, etc.) pourrait perturber la communication des cétacés, qui joue un rôle dans leur orientation durant leurs longs déplacements. «Ils sont nomades, donc les choses les plus importantes dans leurs vies sont les autres», conclut Hal Whitehead. Les cétacés vont-ils devoir «parler» plus fort pour se faire entendre?

Chant plus aigu en ville

C’est ce que semblent déjà faire les mésanges domiciliées en ville. Des biologistes de l’Université d’Aberystwyth, au Pays de Galles, ont constaté que ces oiseaux urbains siffleraient un ton au-dessus de ceux qui résident à la campagne. «Comme le son rebondit et voyage d’une manière différente, les mésanges doivent utiliser des chants adaptés. Une note plus haute permet à l’écho de disparaître plus vite, et la prochaine note est plus claire», note Emily Mockford, l’une des chercheuses.

L’ornithologue romand Lionel Maumary parle, lui, de véritables dialectes qui différencient oiseaux des plaines et oiseaux des montagnes:«Il est incontestable qu’un pinson des arbres vaudois n’a pas le même ramage que son voisin valaisan, ou qu’un de ses congénères du Parc national des Grisons. Et cela change même d’une vallée à l’autre. D’une manière générale, on peut dire que les populations sédentaires et coupées des autres, notamment par les reliefs montagneux, développent une accentuation plus marquée de leur accent. La structure du chant change légèrement, ainsi que la vitesse d’exécution de certaines parties. Pour les connaisseurs, c’est assez frappant.» Est-ce que cela concerne tous les oiseaux? La majorité, selon le spécialiste, qui cite par exemple le merle noir, la mésange charbonnière ou la fauvette à tête noire. Autant de témoignages qui laissent supposer que les animaux possèdent des capacités cognitives auxquelles on ne s’est jusqu’à présent que très peu intéressé. Autant d’études qui mettent l’accent sur la complexité du langage animal, que l’on avait trop rapidement relégué à des vociférations dénuées de sens…

Source : Le Matin

A Nice, des humains plus cabots que leur chien
Un jeune faucon blessé en centre ville recueilli par des passants