Le pipi de chat : une odeur vitale à la survie des souris
Le 07/05/2013
Une souris craignait un chat/Qui dès longtemps la guettait au passage…" Racontée par Jean de La Fontaine, cette peur viscérale de Mus musculus à l'encontre de son prédateur félin vient d'être élucidée par des chercheurs américains qui en ont identifié l'origine moléculaire dans le nez du rongeur (Nature du 28 avril).
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Les chercheurs savent depuis longtemps que les urines des carnivores déclenchent chez les rongeurs une vive frayeur, qui se traduit par une brève immobilisation, suivie d'une fuite rapide. "Quand on dépose une goutte d'urine de renard dans la cage de rats ou de souris qui n'ont jamais vu ni senti de renard, ces rongeurs expriment ces comportements de peur innés", raconte Rémi Gervais, professeur à l'université Claude-Bernard (Lyon), directeur d'une équipe Inserm-CNRS sur l'olfaction.
Les composés odorants responsables de cette peur ont été identifiés depuis plus de vingt ans. Ce sont des amines : ß-phényléthylamine (PEA) chez le chat, triméhtylthiazoline (TMT) chez le renard… Mais comment ces amines agissent-elles ? Si la vision des couleurs fait appel à trois types seulement de récepteurs rétiniens, l'odorat est un sens bien plus complexe. Le système olfactif de l'homme comporte 380 récepteurs, celui de la souris, plus de 1 000 !
UN SOUS-GROUPE DE RÉCEPTEURS OLFACTIFS
"Selon un consensus, si l'on inactive le gène d'un seul récepteur olfactif, les conséquences sur l'odorat seront mineures, voire insensibles", indique Thomas Bozza, de l'université Northwestern (Illinois). Mais son étude révèle le contraire ! Les auteurs ont inactivé chez la souris les gènes d'un sous-groupe de récepteurs olfactifs sensibles aux amines, les TAAR (Trace Amine Associated Receptors). Les souris en possèdent 15 et l'un d'eux est situé dans le cerveau, où il répond aux neurotransmetteurs à base d'amines. Les 14 autres sont des récepteurs olfactifs situés dans la muqueuse nasale de la souris. Quand les scientifiques ont inactivé les gènes de ces 14 TAAR, les souris n'ont plus manifesté d'aversion pour les amines. Quand ils ont inactivé un seul de ces gènes, le TAAR4, qui répond sélectivement à la PEA de l'urine de chat, les muridés n'ont plus exprimé de peur vis-à-vis de ce produit, tout en continuant de "craindre" les autres amines.
"SYSTÈME D'ALARME TRÈS PERFORMANT"
"Le fait que ces récepteurs TAAR soient conservés chez tous les mammifères indique qu'ils sont essentiels à la survie", relève Thomas Bozza. Pour éviter de finir sous le croc de Raminagrobis, la gent trotte-menu a tout intérêt à fuir sans délai ! "Il est logique que, au cours de l'évolution, le cerveau des rongeurs ait mis au point un système d'alarme très performant, qui conditionne la survie de l'espèce. Le récepteur TAAR4 s'est spécialisé pour détecter les odeurs de prédateurs", observe Rémi Gervais.
Nous autres humains ne sentons pas la pisse de chat comme nos cousins rongeurs : l'enjeu n'est pas, ici, vital ! Mais les amines présentes dans la chair en décomposition, dont la consommation serait délétère, déclenchent chez l'homme une profonde répulsion. "A l'IRM, le cerveau de sujets à qui l'on fait respirer de telles amines est activé dans une région très impliquée dans la peur, l'amygdale. Existe-t-il aussi chez l'homme des circuits très spécialisés dédiés à la détection de ces odeurs ?", s'interroge Rémi Gervais.
Source : Le Monde