Le monde animal, terreau des futurs robots

Le monde animal, terreau des futurs robots

Le 17/02/2015

Les scientifiques fascinés facultés animaux : yeux mouche comptent milliers pixels, l’insecte possède acuité visuelle exceptionnelle.

Malgré les roues du 4 × 4 qui viennent de lui rouler dessus, le petit robot continue sa route comme si de rien n’était. A l’inverse de nombre de ses congénères à la structure rigide, cette machine conçue par des chercheurs de la Harvard School of Engineering et du Wyss Institute for Biologically Inspired Engineering possède un corps souple constitué d’un mélange de caoutchouc dur et de silicone, renforcé de fibres de polyaramide. Quant à sa démarche, assurée par quatre pattes mues par des actionneurs pneumatiques, elle tient à la fois de l’insecte et de la limace. Ce n’est qu’un des multiples exemples de robots prenant le monde vivant pour modèle, et notamment les animaux dont les caractéristiques intéressent de plus en plus les chercheurs.

La souplesse, par exemple, constitue désormais un champ entier de la robotique, alors que les chercheurs se sont longtemps satisfaits de métal et de plastique. « La mollesse de la paume aide la main à attraper les objets en s’adaptant à leur forme. Quant aux tendons, ils servent à stocker de l’énergie indispensable à la marche humaine », estime Pierre-Yves Oudeyer, directeur de recherche à l’Inria. En outre, les parties molles d’un robot présentent moins de risques. « Ces robots avec un corps mou ont un bel avenir dans de multiples applications, depuis la sécurité civile et le secours aux personnes jusqu’aux dispositifs médicaux. En fait, tous les domaines où le robot interagit avec l’humain et pour lesquels se pose la question de la sécurité », explique Mike Tolley, du département de robotique bio-inspirée de l’université de San Diego.

Les scientifiques sont aussi fascinés par les facultés exceptionnelles de certains animaux. L’acuité visuelle de la mouche, par exemple. Comment, avec des yeux ne possédant que quelques milliers de pixels et un cerveau d’un million de neurones, parvient-elle à voler sans collision dans un environnement pourtant inconnu ? Elle ne calcule ni sa vitesse ni son altitude pour adapter sa trajectoire, mais estime sa position grâce au flux optique fourni par la vitesse de défilement des objets qui l’entourent. « L’enseignement de la nature, c’est qu’on peut faire beaucoup de choses avec peu de ressources », explique Stéphane Viollet, responsable de l’équipe biorobotique à l’Institut des sciences du mouvement d’Aix-Marseille, qui a mis au point un oeil électronique s’inspirant de celui de l’insecte. Avec une faible résolution, un poids plume et un coût peu élevé, celui-ci intéresse l’industrie, notamment PSA. Il pourrait aussi équiper des microdrones du futur afin d’améliorer leurs capacités de vol stationnaire et, surtout, leur permettre « de voler en ville, entre les immeubles, lorsqu’il faudra se passer du GPS », précise Stéphane Viollet.

« Une machine universelle »

Car les roboticiens réalisent que la machine parfaite « restera longtemps une illusion », affirme Pierre-Yves Oudeyer : « Chaque animal est particulièrement adapté à un environnement spécifique, et imaginer une machine universelle susceptible de réaliser n’importe quelle tâche quel que soit l’environnement est une chimère. » Là encore, les animaux fournissent peut-être une solution. Notamment les insectes dits « sociaux », qu’il s’agisse des fourmis, des abeilles ou des termites. « Ces sociétés sont considérées comme de vastes systèmes nerveux dont les individus seraient des neurones interagissant pour élaborer une oeuvre commune. Ainsi ces individus, bien que dotés d’une quantité limitée de matière cérébrale, parviennent à réaliser des constructions complexes sans l’intervention d’un superviseur-architecte », résument Anne Guillot et Jean-Arcady Meyer, auteurs de « Poulpe fiction. Quand l’animal inspire l’innovation » (Dunod, 2014).

Le fonctionnement de robots en essaim (« swarm » en anglais) constitue l’un des axes de recherche prometteur de la robotique. Le projet européen Swarm-bots, coordonné par l’Ecole polytechnique de Lausanne, consiste par exemple à faire travailler ensemble de petits robots à roues pour leur faire réaliser des tâches complexes, comme par exemple déplacer un objet lourd. Le Laboratoire bordelais de recherche en informatique (Labri) mène le même genre de projet avec des drones au sein du projet Carus (« Cooperative Autonomous Reconfigurable UAV Swarm »). Les appareils sont capables de collaborer entre eux pour mener des missions de surveillance. Et si l’un d’entre eux doit se poser ou retourner à sa base en urgence, les autres se reconfigurent pour continuer à mener la mission. « Aujourd’hui, de tels scénarios ne peuvent être mis en oeuvre à cause de la réglementation aérienne, qui impose un opérateur pour chaque engin. Nous espérons bien faire évoluer les choses avec nos travaux », explique Serge Chaumette, professeur au Labri.

Et cette collaboration entre robots ne fait que commencer. Les chercheurs bordelais, qui collaborent avec ceux de Télécom Bretagne dans le cadre du projet Daisie financé par l’ANR et la DGA, vont plus loin en faisant collaborer des drones aériens, chargés de localiser des objets au sol, et des robots terrestres qui explorent le terrain. Pour se guider, ces derniers se contentent de communiquer avec leurs voisins immédiats. Avec plusieurs avantages. D’abord le coût, car chaque engin est relativement simple. Ensuite la capacité à le mettre en oeuvre sur une surface étendue. Enfin la robustesse et la souplesse d’utilisation. « Le réseau de communication se construit de proche en proche et évite donc de saturer la bande passante, tout en étant en principe illimité puisque l’on peut rajouter autant d’individus que l’on veut », explique Serge Chaumette. Enfin, c’est également le « caractère imprévisible du système par un observateur extérieur » qui intéresse les militaires, financeurs du projet à travers la DGA.

A l’avenir, ces robots en essaim pourraient se miniaturiser et ressembler au RoboBee développé pendant une dizaine d’années par des chercheurs de Harvard : 2 centimètres de long pour 3 centimètres d’envergure et moins d’un dixième de gramme, avec un corps en fibre de carbone et des ailes battant 120 fois par seconde grâce à un dispositif piézo-électrique. L’intérêt ? Visiter l’espace, et tout d’abord la planète Mars. « Le survol de la planète rouge ne convient pas aux avions à ailes fixes », insiste Jean-Arcady Meyer. A moins que ces minuscules robots n’aillent un jour remplacer les vraies abeilles pour polliniser les champs.

Source : Les Echos

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