Glaçons au sang, douches : les animaux face à la canicule
Le 03/07/2015
Il est midi, l’heure de rentrer Atlas, Kibo et Shani, trois bébés lions, qui, tout comme les humains, sont victimes de la chaleur.
« A cet âge, ils sont incapables de se thermoréguler », explique Alexis Lécu, vétérinaire au zoo de Vincennes, à l’est de Paris. Ces lionceaux de l’Atlas, de 2 mois et déjà une petite dizaine de kilos, s’ébattent, insouciants, sous l’œil attentif de leur mère, à l’ombre des buissons de leur espace. La canicule qui sévit sur la France et la région parisienne ne menace pas que les personnes sensibles. Les animaux, aussi, risquent la déshydratation.
En milieu de journée, quand le soleil plombe l’air et que les visiteurs cherchent refuge à l’ombre, les jeunes lionceaux doivent être mis à l’abri. Quelques dizaines de mètres plus loin, ce sont les girafons, d’à peine 2 mois également, qui sont consignés. « Ils n’ont pas le réflexe de boire, et ils préfèrent rester à l’ombre de leur enclos », ajoute le responsable vétérinaire, présent depuis dix-huit ans à Vincennes.
Même si de nombreuses espèces sont originaires d’Afrique ou d’Amérique latine, la direction du zoo de Vincennes, à l’instar d’autres réserves, a adopté certaines mesures pour lutter contre les chaleurs excessives.
Dans l’espace « Patagonie », qui abrite des maras, des guanacos ou encore des nandous, la vingtaine de manchots bénéficie d’un traitement spécial. Une douche brumisatrice leur permet de se rafraîchir alors, qu’habitués à des eaux océaniques à 17-18 °C, ils doivent actuellement plonger dans un bassin plus proche des 25 °C. Leur repas leur est proposé sous la forme de blocs de glace aux couleurs rosées, teintés par le sang de poisson. Sylvain Lambert, soigneur animalier de l’espace, prépare le repas du jour pour les manchots et les otaries. Quatre belles bêtes, deux mâles qui engloutissent près de six kilos de poissons et deux femelles qui en dévorent quatre kilos.
« On leur prépare des glaçons avec du sang et des morceaux de poissons, ils adorent et jouent avec, notamment au moment des animations pour le public », explique le jeune homme. Harengs, sprats, capelins finissent congelés ou non, dans l’estomac des otaries et des manchots. L’été des glaçons, l’hiver plus de graisse pour résister aux températures de l’air et de l’eau.
A l’extérieur du bassin, alors que les otaries poussent du museau les glaçons qui flottent, la consigne est la même pour les visiteurs : « N’hésitez pas à boire, les enfants », clame la responsable d’un centre aéré, venu admirer les 1 500 animaux (quelque 180 espèces différentes) du zoo.
Les quatre loups du zoo de Vincennes se rafraîchissent aux glaçons, parfum sang de poulet ou de boeuf.
Les glaçons, appréciés par les otaries, sont aussi utilisés pour nourrir les carnassiers. Dans l’enclos des loups, d’origine ibérique, quatre frères, Diablo, Gordo, Diego et Enrique, tournent autour des blocs de glace au parfum sang de poulet ou sang de bœuf. Les pumas, les lynx bénéficient aussi de cette forme d’alimentation estivale.
« Nous devons tenir compte de ces températures élevées, même si les animaux s’adaptent plutôt bien, avance Eric Dugas, référent carnassier. Ils restent posés plus longtemps, se protègent plus, font des siestes prolongées. » Pour faire face à ces températures caniculaires, le zoo de Vincennes propose des nocturnes (le jeudi jusqu’à 22 heures). Nombre d’animaux sortent en effet de leur torpeur en début de soirée, vers 18 heures.
Des températures, flirtant avec les 40 °C, peuvent sembler plutôt ordinaires pour des animaux qui déambulent dans les savanes, les forêts ou les déserts africains, asiatiques et latino-américains, habitués à des climats plus chauds. Pour Valérie Roudel, du Parc aux félins, à Lumigny-Nesles-Ormeaux (Seine-et-Marne), la priorité des réserves lors des canicules est de faire rentrer beaucoup plus de bouteilles d’eau… pour les visiteurs. « Les glaçons au sang, les viandes congelées données aux fauves, nous pratiquons cela tous les étés, de juin à septembre, explique-t-elle. Aujourd’hui, les zoos profitent de la canicule pour faire parler d’eux. »
Source : Le Monde