Mastiffs du Tibet: le chien à un million de dollars
Le 12/03/2013
Ses yeux tombants à peine visibles derrière une forêt de poils d’un noir luisant, l’énorme bête fait un petit somme sur la scène d’une foire canine dans une ville industrielle de Chine. Prix demandé: près d’un million de dollars.
«C’est le plus fameux chien de Chine», dit de lui son maître, Yao Yi, tout en caressant ce Mastiff du Tibet, ou «Dogue tibétain», une femelle âgée d’un an, en vente le week-end dernier pour cinq millions de yuans (800.000 USD) à Baoding, à quelques heures de voiture de Pékin.
Puissants, massifs, parfois féroces, la crinière épaisse qui leur donne une certaine ressemblance avec le lion, les Mastiffs tibétains sont la dernière toquade des Chinois fortunés, l’animal-symbole de leur statut social. Et leur prix, bien sûr, s’est envolé.
Le record a été atteint en 2011 par «Grand plouf» (Big Splash), un Mastiff de 11 mois à la robe rouge vendu pour 1,5 million de dollars (10 millions de yuans), lors d’une foire canine qui a fait de lui le chien le plus cher du monde.
«Regardez ses pattes, elles sont énormes», dit fièrement Yao de sa chienne, qui salive sur l’estrade en bois plantée dans un stade décrépi, où les éleveurs ont accouru de la Chine du nord pour exhiber leurs bêtes de race.
«Ses parents sont du Tibet, elle n’est pas habituée à la chaleur», prévient Yao.
Les propriétaires de Mastiffs, race canine longtemps appréciée des bergers nomade pour la chasse en Asie centrale, les décrivent comme d’excellents chiens de garde, très fidèles à leur entourage.
Les éleveurs arpentent le plateau tibétain pour se fournir en chiots: «Il faut compter un mois pour revenir des zones tibétaines avec les chiens», dit Wang Fei, un éleveur basé à Pékin qui rapporte les Mastiffs à robe blanche du grand ouest chinois à l’arrière de son camion.
Mais la plupart des chiots ne supportent pas la différence d’altitude et meurent au cours du voyage: «Le taux de réussite n’est pas bien élevé», dit-il.
Les risques du voyage sont tels que d’autres préfèrent les élever au plus près de leurs clients dans les riches provinces de l’est du pays.
«Je prends les chiens au Tibet pour la reproduction, mais ils mettent bas près de Pékin», raconte Zhang Ming, l’un des vendeurs de la foire consacrée aux Mastiffs, où des dizaines de spécimens sont exposés dans des cages blanches ou à l’arrière de voitures.
Parmi ses plus riches clients, il compte des propriétaires des innombrables mines de charbon du nord de la Chine.
«Maintenant que presque tout le monde a une voiture, les gens cherchent un nouveau moyen de montrer qu’ils sont riches», dit-il. Et tous ne payent pas cash: «Un client m’a réglé avec une montre Omega à 30.000 yuans (4.700 €) et une voiture, juste pour un chiot», raconte-t-il.
Pour la reproduction, la semence d’un Mastiff pure race peut valoir une fortune: «Je peux en demander 50 000 yuans (73.000 €)», dit Zhang de son favori, baptisé «Conte de fée sous la lune», une bête de 155 kg à vendre au prix de 200.000 yuans (24.700 €).
La fièvre qui s’est emparée du marché a attiré bon nombre de fraudeurs et autres trafiquants de pedigrees, notamment pour rehausser les crinières des Mastiffs avec des poils artificiels d’autres chiens, a rapporté le China Daily.
Leur reproduction intensive a aussi donné naissance à un nombre inquiétant de spécimens consanguins, tandis que des éleveurs injectent du glucose dans les pattes de ces molosses pour les faire apparaître plus puissants, a rapporté de son côté le Global Times, autre quotidien officiel chinois.
Des Mastiffs tibétains rendus furieux ont été à l’origine de plusieurs attaques en Chine, l’un deux ayant blessé neuf personnes à Pékin l’an dernier, selon ce journal. Et en décembre, un homme de 62 ans a été tué dans la province du Henan (centre) après avoir été attaqué par le Mastiff d’un responsable local.
La réglementation à Pékin et dans les grandes villes interdit la possession de gros chiens, mais elle n’est pas toujours respectée.
«C’est comme la politique de l’enfant unique, dit Zhang, si vous voulez vraiment contourner la loi, vous pouvez» en soudoyant les autorités.
A côté de lui, on marchande pour des Mastiffs croisés, moins chers. Mais Zhang vise le haut du panier: «Il y a beaucoup de gens qui achètent des chiens à un million de yuan (123.500 €)», assure-t-il.
Source : Le Progrès