Lettre à Manuel Valls : écoutez les militants et sympathisants anti-corrida

Lettre à Manuel Valls : écoutez les militants et sympathisants anti-corrida

Le 15/10/2012

Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls s'est exprimé pour la défense de la tauromachie, "une culture qu'il faut préserver", selon lui.

Le Conseil constitutionnel a confirmé qu'elle était conforme à la Constitution. Henry-Jean Servat, journaliste et écrivain, lui répond dans une lettre et lui propose d'échanger sur le sujet au nom des opposants à la corrida.

Monsieur le ministre,

Je rédige ces quelques lignes de façon aussi ferme que courtoise et dénuée de toute recherche de publicité personnelle.

Je vous les écris au nom des dizaines de milliers de citoyens et de citoyennes françaises, tous membres et sympathisants d'associations de protection animale connues, reconnues, agissantes et efficaces : la Fondation Brigitte Bardot, l'Alliance anti-corrida, le CRAC Europe (Comité Radicalement anti-corrida) et la Fédération des luttes pour l'abolition de la corrida – ce qui représente beaucoup de monde, pour ne citer qu'elles – et qui m'ont accordé leur confiance en soutenant pleinement ma démarche.

Vous avez étonné et choqué des centaines de milliers de français en intervenant de façon plutôt déplaisante et assez déplacée dans le débat national lancé autour de la corrida. Que vous ayez une opinion sur le sujet et qu'elle y soit favorable ne regarde que vous et votre conscience. Mais que, au moment précis où les membres du Conseil constitutionnel débattaient de la question (QPC présentée par le CRAC Europe et Droits des animaux), vous soyez intervenu de manière à faire, délibérément, pression sur eux pose question. Une grave question.

Est-il normal, pour le ministre de l'Intérieur de l'actuel gouvernement, de livrer ainsi son opinion personnelle ? Est-il normal que, au sein d'un gouvernement qui n'a jamais fait mention, fut-ce au moins une fois, du mot animal, vous ayez cru utile et intelligent d'énoncer des propos faisant état d'une activité commerciale et sanglante qui révulse, au-delà du dicible, toute personne éprise de justice, de compassion et de paix ?

Le sujet de votre discorde et divorce avec une majorité de citoyens français dépasse allègrement le cadre de la corrida. Il concerne la place à accorder à l'animal dans la société actuelle.

J'attire également votre attention sur vos propos, rapportés par plusieurs journalistes et imprimés dans le quotidien régional "Midi-Libre" du 18 septembre 2012, selon lesquels vous affirmiez que "plusieurs membres de l'actuel gouvernement sont favorables à la corrida" et que "en nombre, vous pouviez donc bloquer tout projet visant à la faire disparaître"

Vous comprendrez que les centaines de milliers d'opposants légaux à la corrida ne peuvent vous entendre sans réagir, avec autant d'interrogation que d'indignation.

Je vous propose donc d'en parler avec vous, calmement. Il n'est plus acceptable d'avancer que vous n'avez pas le temps d'en débattre, ainsi que me l'a déjà annoncé votre chargé de presse. Les sympathisants de la cause animale prendraient ce refus de mettre les choses au clair pour une dérobade évidente et un manque de courage certain.

Est-il concevable que le ministre de l'Intérieur doublé d'un fervent militant pro-corrida ne taisant pas sa fascination pour un spectacle d'horreur ne puisse venir en parler, comme s'il en avait honte ? Je vous propose donc, à nouveau, et pour la seconde fois, selon vos conditions, au jour et à l'heure de votre choix, un débat qu'une radio nationale a proposé d'accueillir. Les centaines de milliers de militants et de sympathisants de la cause animale, que j'ai l'honneur de représenter pour cette occasion, attendent avec impatience de vous lire.

Je vous prie de croire, Monsieur le ministre, en l'assurance de nos salutations distinguées.

Source : Le Nouvel Obs

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