Animaux: 30 Millions d’amis veut un statut d' »être vivant »

Animaux: 30 Millions d’amis veut un statut d' »être vivant »

Le 25/10/2013

La souffrance animale revient au cœur des débats à travers l’appel d’intellectuels pour réformer le régime juridique de l’animal. Mais quelles conséquences entraîneraient une modification du Code civil en ce sens?

Reconnaître la qualité d’êtres « vivants » et « sensibles » aux animaux, telle est la requête de leurs défenseurs. Jeudi, 24 intellectuels ont soutenu une initiative de la Fondation 30 Millions d’amis qui a publié un manifeste intitulé Pour une révolution du régime juridique de l’animal dans le Code civil. Mais est-ce à dire que le droit français est à ce point en retard? Et que changerait une réforme du statut juridique des animaux pour nos pratiques commerciales, la recherche scientifique, la répression des maltraitances?

Ce que dit le droit actuel

L’article du Code civil visé par ceux qui voudraient le réformer porte le numéro 528. Il assimile les animaux à des « biens meubles ». Ils se différencient des autres biens (on pourrait remplacer le terme par « choses susceptibles d’appropriation ») en ce sens qu’ils peuvent, par eux-mêmes, « se transporter d’un lieu à un autre ». « C’est la seule caractéristique qui permet de les différencier d’une table ou d’une chaise, c’est absurde », explique Jean-François Legueulle, délégué général de la Fondation 30 Millions d’amis.

Le Code civil n’est cependant pas le seul à traiter de la question animale. En creux, le Code pénal, à travers l’article 521-1, punit les actes « de cruauté ou de maltraitance » de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende. Le Code rural prévoit également des sanctions (articles R214-17 et R214-18) en cas de manque de soins. L’article L214-1 de ce même Code rural (en transposition du droit européen) dispose même que « tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ». Pour Jean-François Legueulle, cet article du Code rural est un argument de plus pour la mise en cohérence du Code civil.

Des suggestions très intéressantes de modifications de plusieurs articles du Code civil peuvent être consultées dans le rapport d’octobre 2005 commandé par l’ancien garde des Sceaux Dominique Perben à Suzanne Antoine, présidente de Chambre honoraire à la cour d’appel de Paris)et membre de la Ligue française des droits de l’animal. Le Livre II du Code civil pourrait être rebaptisé de la manière suivante: « Des animaux, des biens et des différentes modifications de la propriété ».

Ce que changerait une réforme du régime civil des animaux

Le Délégué de la Fondation 30 Millions d’amis le concède volontiers, la modification du Code civil n’aurait pas de portée pratique, tant pour ce qui concerne les pratiques commerciales touchant aux animaux, que les expérimentations à des fins scientifiques ou médicales ou, question essentielle, pour ce qui est du droit de propriété (article 544 du Code civil). En revanche, plaide-t-il, « cette demande est un enjeu sociétal très fort, ce qui explique la prise de parole de nombreux intellectuels ».

Jean-Pierre Marguénaud, professeur de droit privé à l’Université de Limoges, directeur de la Revue semestrielle du droit animalier, souligne également la portée « symbolique très importante » de cette réforme. Mais il pousse plus avant le raisonnement et explique que « faire remonter cette règle [de modification du statut animal] du Code rural vers le Code civil, permettrait à la protection animale de changer de registre ». Le message serait donc non plus diffusé aux seuls professionnels concernés par les dispositions des Codes spécialisés (rural, environnement…), mais à l’ensemble de la société.

Le fait de « sortir les animaux de la catégorie des biens n’aurait sans doute pas de conséquences immédiates », explique le professeur. « Mais au regard du fossé qui sépare les textes de ce qui se passe en réalité, cela permettrait aux juges d’appliquer ces derniers avec une ‘audace nouvelle' ». Maître Hélène Thouy, avocate au barreau de Bordeaux, abonde dans son sens, précisant que « beaucoup de plaintes déposées pour des maltraitances animales restent sans suite » et que « les condamnations sont souvent trop faibles pour être dissuasives ». Elle note aussi la contradiction de l’article 521-1 du Code pénal qui, tout en réprimant les « actes de cruauté », dispose qu’une dérogation doit être accordée « aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ». Autrement dit, l’exception de la corrida.

Ce qui est déjà fait dans d’autres pays

D’autres pays possèdent une législation des animaux plus protectrice que la nôtre. Ainsi, note Jean-François Legueulle, « les Etats-Unis, l’Autriche, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse ont déjà accordé le caractère d »êtres sensibles’ aux animaux et la France doit prendre exemple sur ses voisins (…). L’une des pistes envisagées serait de créer une catégorie qui viendrait s’intercaler entre le régime des biens et celui des personnes ».

Mais selon la chercheuse du CNRS Sonia Desmoulin, la création de cette nouvelle catégorie juridique pose « des problèmes techniques importants. » La législation suisse a ainsi « créé une troisième catégorie distincte de celles des biens et des personnes ». Les animaux ne sont pas assimilés à des biens, et différenciés des simples « choses ». En revanche « si les animaux ne sont plus considérés comme des choses, on leur applique le droit des choses ». A partir de là, la législation suisse conduit à deux interprétations radicalement différentes. Elle peut, continue Sonia Desmoulin, être comprise par certains observateurs du droit comme une « incitation à mieux respecter l’animal » et par d’autres, « comme une banalisation du traitement réservé aux animaux par la contradiction qu’elle recèle ».

Pour Jean-Pierre Marguénaud, la législation suisse « prête à sourire » mais constitue aussi une « position de sagesse » en ce qu’elle est une « manière d’aménager la transition » juridique. A ceux aussi qui objecteraient que les défenseurs des droits des animaux se dispensent parfois de défendre ceux des hommes, le spécialiste de la question rappelle pour l’anecdote qu’il est aussi directeur de l’Institut de droit européen des droits de l’Homme, fonction « qui occupe 80% de son temps » professionnel.

Source : BFMTV

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