Le Parlement européen bannit les animaux clonés de nos assiettes

Le Parlement européen bannit les animaux clonés de nos assiettes

Le 08/09/2015

C’est un coup de plus porté aux biotechnologies par l’Europe. Mardi 8 septembre 2015, le Parlement européen a adopté en première lecture, à une grande majorité (529 voix contre 120), une législation interdisant le clonage d’animaux à des fins d’élevage et d’alimentation dans l’Union européenne mais aussi l’importation sur le territoire européen de leurs descendants et de produits qui en sont issus (viande, lait, matériel reproducteur, etc.).

Les pays tiers devront par ailleurs garantir, via un système de certificats, que les produits qu’ils exportent en Europe ne sont pas issus de clones. Car la technique, déjà répandue outre-Atlantique afin de conserver un patrimoine génétique avantageux – des bêtes « d’élite » produisant plus de viande ou de lait –, soulève des questions d’éthique et de bien-être animal.

« Nous avons gagné sur toute la ligne, les eurodéputés ont insisté non seulement sur le risque de sécurité alimentaire mais aussi sur la souffrance animale engendrée par les techniques de clonage, une préoccupation pas assez partagée en France, se réjouit l’eurodéputée Europe Ecologie-Les Verts Michèle Rivasi. Nous avons par ailleurs dit non à une artificialisation à outrance de l’élevage. On ne veut pas manger des animaux déformés pour avoir les gigots les plus gros possibles ! »

Le Parlement européen, sous l’impulsion conjointe de ses commissions environnement et agriculture, va considérablement plus loin que la Commission, qui avait proposé, en décembre 2013, d’interdire le clonage animal en Europe mais sans bannir la vente de viande ou de lait de leurs descendants ni assurer la traçabilité de ces produits. « Le clonage, c’est de la torture animale », a dénoncé la rapporteuse de la commission environnement, l’eurodéputée (Parti populaire européen, droite) allemande Renate Sommer. Cette mise au ban généralisée s’impose, sans quoi, en continuant d’importer des produits dérivés, « nous nous dédouanons à bon compte et nous laissons à d’autres le sale travail, tout en voulant en profiter ».

Taux de mortalité élevé

La technique du clonage est décriée en Europe. Dans son avis scientifique de 2008 puis dans ses déclarations de 2009 et 2010, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) s’est montrée inquiète quant à la santé et au bien-être des animaux, soulignant le taux de mortalité associé au clonage. « Il apparaît que, dans une proportion significative d’animaux clonés – principalement pendant la période juvénile chez les bovins et la période périnatale chez les porcins – la santé et le bien-être étaient sévèrement altérés, souvent avec des conséquences graves, voire fatales », écrivaient ainsi les experts de l’EFSA.

Les faibles taux de réussite de la technique (6 à 15 % pour les bovins et 6 % pour les porcins) rendent nécessaire l’implantation d’embryons dans plusieurs bêtes pour obtenir un animal cloné. En outre, les fœtus anormalement gros aboutissent à des mises bas difficiles et une mortalité néonatale. Rien n’est dit, en revanche, sur d’éventuels problèmes affectant la descendance des animaux clonés. Quant à la sécurité alimentaires pour les humains, « aucune preuve formelle ne démontre l’existence de différences » entre les produits alimentaires dérivés d’animaux clonés et ceux traditionnels.

« Le vote du Parlement est un signal fort, se félicite Camille Perrin, chargée de mission alimentation au Bureau européen des unions de consommateurs. Les eurodéputés ont entendu les consommateurs, qui veulent au minimum un étiquetage pour les viandes issues de descendants de clones, afin de savoir ce qu’ils achètent et consomment. Les parlementaires sont même allés plus loin. » Selon un sondage Eurobaromètre réalisé par la Commission européenne en 2008, 58 % des Européens sont opposés au clonage pour la production alimentaire, pour des raisons liées au bien-être animal ou à des questions liées à l’éthique. Et 83 % des consommateurs souhaitent que la viande et le lait issus de descendants de clones soient étiquetés comme tel.

Descendants utilisés dans l’alimentation

Actuellement, la commercialisation en Europe de produits alimentaires issus d’animaux clonés est soumise au règlement Novel Food sur les nouveaux aliments et ingrédients alimentaires, adopté en 1997, un an après le clonage de la brebis Dolly. Tout nouvel aliment doit, à ce titre, faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché à la suite d’une évaluation scientifique des risques sanitaires. Mais jusqu’à présent, aucune entreprise n’a demandé une telle autorisation. En revanche, les Etats membres ont le droit d’importer depuis des pays tiers du matériel reproducteur d’animaux clonés, notamment sperme et embryons, de même que des descendants, qui se retrouvent très probablement dans nos assiettes.

« Les animaux clonés coûtent très chers à produire, entre 15 000 et 20 000 euros. Ils ne sont donc pas destinés à la consommation – même s’ils finissent leur vie à l’abattoir –, mais à la reproduction : leur matériel reproductif est utilisé pour l’insémination artificielle de nombreux autres animaux, explique Camille Perrin. Ce sont donc les descendants, qui eux ne sont pas des clones, qui sont utilisés pour l’alimentation sans la moindre transparence ni traçabilité. »

Faute de recensements obligatoires au niveau mondial, il n’existe pas de chiffre fiable sur le nombre d’animaux clonés, des bovins pour la majorité, développés principalement aux Etats-Unis, au Canada, en Argentine, au Brésil ou en Nouvelle-Zélande. Ni sur le nombre de descendants et les quantités de produits qui en sont issus. L’Union européenne importe chaque année 300 000 tonnes de viande bovine, mais sans que l’on connaisse la part provenant du clonage.

Hostilité du Conseil et de la Commission

En 2008, l’Union européenne avait entrepris de légiférer sur ce dossier lors de la révision du règlement Novel Food, devenu obsolète. Mais les débats avaient été bloqués sur la question de l’utilisation de la progéniture d’animaux clonés dans les produits alimentaires. En 2013, la Commission a scindé le sujet en deux : d’une part, une révision du règlement Novel Food, qui doit être votée par le Parlement à la fin du mois d’octobre et qui portera entre autres sur les clones mais pas leurs descendants ; et d’autre part, une législation spécifiquement consacrée au clonage.

Ce dernier texte, malgré le vote sans équivoque du Parlement, risque de se voir rapidement bloqué. Il doit en effet être examiné en Conseil des ministres – où de nombreux Etats y sont opposés pour ne pas indisposer leurs partenaires commerciaux et éviter des représailles devant l’Organisation mondiale du commerce – puis revenir devant la Commission, très hostile à la version adoptée par les eurodéputés. « En cas de blocage persistant, le texte final pourrait être édulcoré ou même tout simplement retiré », craint Camille Perrin. « La discussion sera dure, mais il n’est pas impossible que les opinions publiques des différents pays membres se mobilisent », veut croire, de son côté, Mme Rivasi.

Source : Le Monde

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